Heure de pointe à Bruxelles: des pistes pour accélérer

14 mai 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Tous les Bruxellois ne sont pas logés à la même enseigne quand il s’agit de leurs déplacements pendant l’heure de pointe matinale. Le Dr Kevin Lebrun, chercheur à l’Université Saint-Louis, vient de le rappeler. Dans la revue électronique scientifique « Brussels Studies », il montre que l’accessibilité en transport public d’une série de pôles d’activité de la Région bruxelloise est loin d’être identique au départ de différents quartiers.

En prenant en compte l’offre de transport du principal opérateur, la STIB, le temps de parcours moyen vers son panel de destinations est de 32 minutes. Il faut donc un peu plus d’une demi-heure pour rejoindre les principaux pôles d’activités à l’heure de pointe du matin. Cette valeur moyenne masque cependant la diversité des situations locales, puisque les temps s’échelonnent de 16 à 64 minutes selon le quartier d’origine considéré.

30 % des quartiers en déficit d’accessibilité

« En général, se rendre dans le centre de la Région est plus rapide que d’envisager un itinéraire concentrique », souligne-t-il. Il cite aussi deux chiffres. 10 % des Bruxellois (environ 110.000 personnes) sont particulièrement affectés par ce problème de mobilité. « Ils sont situés à plus de 40 minutes, en moyenne, des pôles d’activités », indique le géographe, qui écrit aussi que « près de 30 % de la population bruxelloise réside actuellement au sein de quartiers présentant un déficit d’accessibilité compte tenu de leur localisation ».

Les pôles d’activité

Pour les besoins de sa recherche, le scientifique a pris en compte une série de pôles d’activité:

  • – Les trois grandes gares de la Jonction Nord-Midi (Bruxelles-Nord, Bruxelles-Central et Bruxelles-Midi), qui correspondent à des pôles d’emploi majeurs, mais sont également des lieux de transit importants, notamment vers le réseau de la STIB (métro) et celui de De Lijn (Bruxelles-Nord).
  • – Le quartier de la Bourse a été pris en compte pour permettre d’inclure, de façon plus importante, des déplacements qui ne sont pas liés au travail.
  • – En tant que principaux pôles d’emploi tertiaires de la Région, les quartiers de Rogier, Schuman et Luxembourg génèrent également de très nombreux déplacements en heure de pointe, notamment en lien avec les administrations fédérales et européennes qui y sont implantées.
  • – Deux hôpitaux, Brugmann et Saint-Luc, qui permettent de diversifier la géographie des destinations, tout en prenant en compte l’accès à ce type de service.
  • – Les quartiers du campus universitaire du Solbosch (ULB) et celui de la place Flagey complètent le panel. Ils ont été choisis pour leur forte mixité combinant une fonction résidentielle et une fonction commerciale auxquelles s’ajoute un pôle d’enseignement et d’emploi dans le cas du quartier de l’ULB.

Le trafic automobile allonge de 25% les trajets en transports publics

Le problème de la vitesse des transports publics de surface (trams et bus), c’est qu’elle reste tributaire du trafic automobile. « L’accessibilité en transport public des pôles d’activité est encore lourdement pénalisée par le trafic routier. Il allonge les temps de parcours de 25 % en moyenne (50% pour certains quartiers), en dépit des politiques menées ces dernières années et visant à protéger ou séparer les transports publics du trafic automobile », souligne le chercheur.

La complémentarité des autres opérateurs

Quand on parle de transport public à Bruxelles, on pense d’emblée à la STIB, la société qui gère les trams, bus et métros bruxellois. Mais d’autres opérateurs de transport public sont également présents à Bruxelles (SNCB, TEC, De Lijn).

Pour la plupart des secteurs, l’effet des autres opérateurs est (quasi)nul, ce qui peut être dû, soit à une absence d’offre, soit au fait que l’offre proposée ne permet pas d’améliorer le meilleur temps que propose la STIB seule. Sauf pour trois zones de la Région bruxelloise:  Evere et Haren (ainsi que certains secteurs de Schaerbeek), Berchem et Ganshoren, et, surtout, le sud d’Uccle.

« Pour le sud d’Uccle, les gains peuvent atteindre 18 minutes en moyenne. Il s’agit dans ce cas d’un effet de l’offre de la SNCB le long des lignes 26 et 124, mais aussi du TEC et de De Lijn (chaussée de Waterloo notamment) », constate Kevin Lebrun, qui pointe dans ce cadre qu’un RER pourrait compléter très utilement le réseau de métro en augmentant les fréquences desservant les gares moyennes et secondaires concernées (Uccle-Calevoet, Haren, Boitsfort, Jette, …).

L’abonnement intégré comme solution

L’impact limité joué par les autres acteurs de la mobilité publique à Bruxelles (hors STIB) interpelle aussi le chercheur. Il décèle un problème… d’abonnement. « L’abonnement de base de la STIB ne donne pas accès à l’offre des autres opérateurs sur le territoire bruxellois, un complément financier restant nécessaire, ce qui n’incite pas les Bruxellois à découvrir et s’approprier ces offres de transport complémentaires », dit-il.

Une meilleure intégration tarifaire signifierait non seulement un gain d’accessibilité en général, mais également une réduction des écarts dont profiteraient de nombreux quartiers de deuxième couronne, actuellement moins bien desservis par la STIB. On ne peut donc qu’encourager ce processus, de sorte que le changement d’opérateur ne soit plus vécu, au mieux comme un obstacle à surmonter, au pire comme une option non considérée.

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