Les idées les plus simples sont parfois les meilleures. Au « BMDC », le « Brussels Medical Device Center » (ou « Centre de développement de matériel médical »), installé à Anderlecht, les ingénieurs et les médecins de l’Université Libre de Bruxelles viennent de le démontrer à Fadila Laanan, la Secrétaire d’État bruxelloise en charge de la recherche scientifique.
« En endoscopie, nous étions confrontés à une difficulté très concrète », indique le Dr Vincent Huberty, gastro-entérologue à l’hôpital Érasme. « Quand nous devions insérer un endoscope (un long instrument souple doté de caméra/ou d’instruments chirurgicaux qui passe par les voies naturelles) dans les voies biliaires, la difficulté consistait à pouvoir bifurquer dans le bon conduit ».
« Pour cela nous utilisons un guide très fin. Mais même avec celui-ci, accéder aux voies biliaires (qui débouchent dans le duodénum, situé juste après l’estomac) reste un défi. Nous avons donc mis au point un nouveau dispositif : un guide « boule », qui nous facilite grandement la tâche ».
Une innovation modeste en taille qui procure de grands avantages
Ce guide tire son nom de la forme de la minuscule boule en résine époxy qui vient terminer le délicat guide biliaire de l’endoscope. La mise au point de cette boule, qui permet plus facilement au médecin d’insérer son instrument dans les voies biliaires, a été réalisée au BMDC.
« La technique est simple », reprend le Dr Huberty, qui saisit un guide biliaire « classique ». Il trempe le fin cathéter dans une fiole contenant de la résine époxy liquide, puis le suspend, pour laisser sécher le produit. Sous l’effet de la gravité, la résine forme une minuscule boule à l’extrémité du guide et durcit : le guide biliaire amélioré est né !
Un dispositif validé sur une quarantaine de patients à Bruxelles
« Bien entendu, il s’agit ici d’une simple démonstration », précise l’ingénieur Nicolas Cauche, CEO du BDMC. « Les véritables « guides boules » sont fabriqués dans un environnement strictement contrôlé, afin d’obtenir une boule de taille et de forme optimales ».
L’idée est simple. Elle est aussi lumineuse. Le guide classique, doté de sa boule en résine, est efficace. Il a été testé avec succès sur une quarantaine de patients à l’hôpital Érasme, au sein du service de gastroentérologie du Pr Devière et a donné pleine satisfaction. À tel point que ce nouveau dispositif bénéficie aujourd’hui d’un label “CE”. Ce qui est tout bénéfice pour le confort des patients. Le recours privilégié à l’endoscopie pour les soigner plutôt qu’à une chirurgie classique, où il faut ouvrir l’abdomen, est moins lourd, moins risqué et ne nécessite pas une longue hospitalisation.
Le guide boule évalué désormais à Marseille, Dusseldorf, Rome et Zurich
« Toutefois, avant de nous lancer dans la commercialisation de ce dispositif, nous souhaitons d’abord le valider à plus grande échelle », souligne Nicolas Cauche. « Des tests cliniques d’ailleurs sont en cours dans différents hôpitaux européens, à Marseille, en Allemagne, en Suisse et en Italie », confie-t-il.
Cette innovation n’est qu’un des projets sur lesquels travaille le BMDC. Son savoir-faire se nourrit d’une expertise et d’une expérience déjà longue dans le domaine des « medical devices ».
« Cela fait treize ans que le service de gastro-entérologie de l’hôpital Érasme collabore avec les ingénieurs du BEAMS (Bio, Electro And Mechanical Systems) de l’ULB », précise le Pr Alain Delchambre, qui dirige le groupe de recherche d’ingénierie biomédicale au BEAMS, précisément. « Notre expertise, aujourd’hui cristallisée au sein du BMDC, est désormais au service de toutes les institutions hospitalières intéressées. Notre souci est d’apporter une réponse rapide et concrète aux demandes des médecins ».
Rapide et concrète ? « L’idée est de proposer au médecin et dans un délai très court, une fois la problématique bien comprise, un prototype à évaluer, à tester et à améliorer. Ceci, afin d’aboutir, dans les deux ans, à un dispositif validé et opérationnel, prêt pour le marché », explique Nicolas Cauche.
Le Brussels Medical Device Center, une ASBL, bénéficie d’un coup de pouce important de la Région bruxelloise. Depuis l’an dernier, cette association a bénéficié d’un financement de 1,3 million d’euros (sur trois ans) de la région bruxelloise, via Innoviris, l’Institut bruxellois pour la Recherche et l’Innovation technologique.
Living lab et incubateur
Le développement du BMDC intéresse aussi le WeLL (Wallonia e-health Living Lab), le premier Living Lab de Wallonie dédié à l’e-santé. Le WeLL est un lieu d’innovation qui fonctionne avec et pour les utilisateurs, histoire de pouvoir répondre rapidement à leurs besoins.
« Dans un Living Lab, les utilisateurs sont aux commandes. Ils expriment leurs besoins, testent des nouveautés, font évoluer des inventions et participent à la conception de nouvelles solutions », rappelle le WeLL. Exactement le mode de fonctionnement du BMDC. « Nous nous considérons d’ailleurs aussi comme une sorte d’incubateur pour de jeunes entreprises technologiques actives dans le domaine des dispositifs médicaux », conclut Nicolas Cauche, le patron du BMDC.