Des laitues, des carottes, des oignons, et même des fleurs… Au total, 60 légumes, 25 plantes aromatiques et 8 fleurs comestibles « bios » sont cultivés à la ferme de l’Université catholique de Louvain. Cette ferme universitaire, lancée il y a deux ans à Louvain-la-Neuve, est une première en Belgique. On y étudie les pratiques maraichères actuelles, tout en tentant de les améliorer.
« Avec à cette ferme, nous nous trouvons dans les mêmes conditions que n’importe quelle ferme bio basée sur le modèle du “petit maraichage diversifié”. Nous pouvons donc y faire de la recherche de terrain, en testant de nouvelles techniques, de nouveaux outils, et évaluer leur performance », explique Philippe Baret, Doyen de la faculté des bioingénieurs de l’UCLouvain, et référant académique du projet.
Une université peut se permettre de prendre des risques
Cultiver des fruits et légumes de manière biologique à destination du circuit court est un modèle de production idéal pour l’avenir. Mais il n’est pas toujours évident pour les maraichers de se lancer dans cette voie, de crainte d’investir à perte. « Peu d’expérimentations ont été menées sur ce modèle, il existe ainsi peu de données pour conseiller les maraichers wallons et bruxellois sur les bonnes pratiques », précise le Pr Baret.
Cette ferme offre ainsi la possibilité d’expérimenter et de perfectionner ce type d’agriculture. « Une université, contrairement aux agriculteurs aux moyens limités, peut se permettre de prendre des risques, de tester, de se tromper et de recommencer, jusqu’à développer des techniques qui tiennent la route », assure Adrien Dockx, agronome et responsable du projet.
Une fois ces techniques éprouvées dans les champs de l’UCLouvain, les chercheurs transfèrent ces connaissances auprès des producteurs de la région, rassemblés dans un réseau. Celui-ci, créé dans le cadre du projet, compte une centaine de membres avec lesquels l’université collabore.
Chercheurs et agriculteurs mains dans la terre
Onze exploitations maraichères en Wallonie et à Bruxelles participent notamment à une expérience sur l’association de cultures. Certains mariages sont en effet bénéfiques. Certaines plantes peuvent par exemple faire fuir des insectes qui s’attaquent à tel légume. D’autres nourrissent les racines de leurs voisins.
« Pourtant, dans la littérature destinée au maraichage professionnel, de nombreuses associations ne sont pas justifiées scientifiquement, voire se contredisent d’un ouvrage à un autre… Dès lors, quand les producteurs tentent ces associations, cela peut échouer et leur faire perdre du temps et de l’argent » témoigne Céline Chevalier, doctorante au Earth & Life Insitute de l’UCLouvain, qui dirige l’étude.
« Ce réseau d’essais participatifs nous permet de trouver, ensemble, des solutions. Nous partageons en tant que scientifiques notre savoir théorique, quand les agriculteurs nous font part de leurs attentes, contraintes, et idées d’associations auxquelles nous n’aurions pas pensé », ajoute-t-elle.
L’objectif de la recherche étant de déterminer, entre autres, les critères d’associations efficaces et rentables.
Les laitues aiment la météo belge
Le retour avec les producteurs est précieux pour l’université qui tente de répondre au mieux aux difficultés méthodologiques et économiques du secteur. L’une des principales demandes des maraichers est la mise en place d’itinéraires techniques. « C’est à dire des lignes de conduite pour cultiver tels fruits ou légumes, précisément en Belgique. Quelles variétés plantées ? Quand les semer ? Quand les récolter ?… Il y a un manque de réponses de ce côté-là, car la littérature sur le sujet est soit française, soit canadienne. Des pays où les conditions climatiques peuvent être très différentes par rapport à chez nous », souligne le responsable du projet de la ferme, Adrien Dockx.
Afin de déterminer les variétés de fruits et légumes les plus adaptés à notre météo, les chercheurs ont par exemple semé plusieurs dizaines de variétés de laitues. Ils observent celles qui se développent le mieux. Tout en calculant le coût de production. Il est aussi question de simplifier et de standardiser ces itinéraires techniques afin de faire gagner du temps aux maraichers. Et des collaborations avec la Louvain School of Management de l’UCLouvain se profilent au sujet de la commercialisation en circuit court.
« Nous n’avons finalement pas de limites sur les objets d’étude. Aussi longtemps que les maraichers auront des idées à creuser, on s’impliquera pour les étudier » conclut l’agronome.