Une nouvelle manière de soigner se profile. Plus personnalisée, plus efficace. Les généticiens Gert Matthijs et Joris Vermeesch mettent en évidence l’importance du rôle joué par l’étude du génome et de ses applications dans «Mes gènes, mon identité? ». Paru aux éditions Mardaga dans la Collection Santé en Soi (18 euros), dirigée par la docteure Karin Rondia, ce livre propose à un large public des clés pour comprendre la génétique et ses enjeux.
Terminée en 2000, la première analyse complète du génome avait duré 8 ans et coûté un milliard d’euros. Aujourd’hui, pour 3.000 à 5.000 euros, ce décodage de 3 milliards de lettres s’effectue en 2 mois. Dans les années à venir, pour un coût raisonnable, on pourra lire les informations qui font de nous un petit ou un grand. Un brun avec la tendance à l’hypertension de son père. Une blonde au risque accru de cancer du sein de sa mère.
Risque n’est pas synonyme de certitude
«Se savoir porteur d’un risque pour une maladie donnée n’est pas anodin», soulignent les deux professeurs de la Katholieke Universiteit Leuven (KUL). «Cela peut susciter stress et angoisse, et finalement, nous rendre malades avant même que ladite maladie ne se déclare… si elle se déclare. Car un risque n’est pas une certitude. Se savoir à risques peut aussi nous motiver à prendre des mesures préventives pour augmenter nos chances de ne pas développer la maladie.»
Les nouvelles technologies sont précieuses notamment dans les cancers, car les chercheurs peuvent examiner l’ADN des cellules malignes. Elles ont permis de découvrir que des combinaisons génétiques similaires se retrouvent dans des cancers touchant des tissus différents. Certains cancers du sein présentent plus de similarités sur le plan génétique avec certains cancers du côlon, qu’avec d’autres cancers du sein.
«À l’avenir, on classifiera les cancers moins sur la base de l’organe ou du type de cellule touché que de l’empreinte génétique relevée dans les cellules malignes. Ceci aura pour corollaire le développement et l’expérimentation de traitements de plus en plus ciblés.»
Refuser de savoir
La probabilité d’être confronté à des découvertes fortuites lors de la recherche d’une anomalie génétique soulève bien des questions. Comme l’ampleur des informations recueillies, la quantité considérable de données qui ne sont pas encore maîtrisées.
«Le risque, bien réel, est de récolter trop d’informations, et qui plus est, des informations potentiellement préjudiciables, voire réellement néfastes parce qu’à l’origine de lourdes incertitudes sur les perspectives d’avenir de chacun de nous. Ce qui finalement ne se traduirait pas nécessairement par un bénéfice en termes de santé ni de santé mentale. Il sera donc important, à l’avenir, de se poser la question de ce que nous voulons savoir et de ce que nous préférons ne pas savoir. À côté du droit de savoir, il existe aussi un droit de refuser de savoir. Un droit de ne pas entendre certains résultats. Nous pensons que c’est ensemble que professionnels et patients devront interpréter les résultats d’une analyse génomique et discuter du type d’information en jeu.»
Environnement et style de vie priment
Pour responsabiliser professionnels et patients face aux tests génétiques, les chercheurs liés au Centre de génétique humaine de l’hôpital universitaire de Leuven proposent l’emploi de filtres informatiques qui ne laisseraient l’accès qu’aux données préalablement définies avec l’accord du patient. Les examens génétiques à caractère prédictif chez les fœtus, les nouveau-nés et les enfants posent de nombreuses questions. Comme le partage des données sans nuire à la protection de la vie privée des adultes examinés.
Enthousiastes mais prudents, Gert Matthijs et Joris Vermeesch concluent que notre génome n’est jamais qu’un plan général. «Dans presque la totalité des cas, ce sont l’environnement et le style de vie qui joueront le rôle essentiel dans la manière dont, à partir de ce plan, seront façonnés les individus que nous devenons ensuite. Jusqu’à et y compris dans le développement de maladies auxquelles nous sommes génétiquement prédisposés. On peut aller jusqu’à affirmer que l’environnement et le style de vie peuvent retarder, voire empêcher la manifestation d’une maladie pourtant inscrite dans nos gènes.»