SÉRIE (2/3) Science et cinéma
Pour entamer les festivités de son 50e anniversaire, la Faculté des Sciences de l’Université de Mons a reçu un invité de marque cette semaine : le mathématicien Alan Turing,
Le génie britannique, classé parmi les vingt plus grands scientifiques et penseurs du siècle dernier par le Time Magazine, n’était bien entendu pas présent physiquement, mercredi, dans la cité du Doudou. Il est décédé dans des circonstances suspectes en 1954 : un « suicide » au cyanure, dans sa maison, juste avant son 42e anniversaire.
Par contre, ses principales réalisations occupaient le devant la scène au cinéma Imagix. Il y a longuement été question de la « bombe » de Turing, la machine universelle de Turing, le test de Turing…
Pour la Première du film « The Imitation Game », qui retrace de multiples épisodes de sa vie, la salle numéro 2 était comble. A raison! La vie du fameux mathématicien est fascinante et le film excellent! L’acteur Benedict Cumberbatch incarne le personnage à la perfection.
La « Bombe de Turing »
Turing? C’est d’abord l’homme qui pendant la Deuxième Guerre mondiale a permis aux Britanniques de « casser » le système de cryptage de la machine Enigma, utilisée par les nazis pour rendre leurs communications secrètes. En mettant au point une machine capable de déchiffrer ces messages, il a permis d’infléchir le cours de la guerre. On dit volontiers que, grâce à lui, le deuxième conflit mondial a été écourté de deux ans et que plusieurs millions de vies ont été épargnées.
La machine universelle
Alan Mathison Turing est également l’homme des « Machines de Turing ». Avec en ligne de mire la « machine universelle », capable de réaliser un calcul complexe en le réduisant à une série d’opérations simples effectuées en un nombre fini d’étapes. Ces machines intelligentes imaginées par Alan Turing sont aujourd’hui partout autour de nous. On les appelle ordinateurs…
Ce mathématicien théoricien ne répugnait pas à mettre les mains dans le cambouis. Le Biopic actuellement sur les écrans le montre à souhait. Il bricole ses machines autant qu’il les conceptualise. « C’est un personnage exceptionnel », estime le Pr Christian Michaux, mathématicien et doyen de la faculté des Sciences de l’Université de Mons, « dont le travail pendant la guerre a longtemps été classé « top secret ».
Intelligence artificielle
« Avec ses machines, Turing a théorisé les bases de l’informatique moderne », continue le Dr Hadrien Mélot, mathématicien montois. « Si nous disposons tous de machines aptes à gérer de manière efficace de multiples informations, alliant données et programmes capables de les traiter, c’est grâce à lui », précise ce professeur d’informatique et d’intelligence artificielle à l’UMons.
Alan Turing s’est aussi penché sur l’utilisation de ses machines universelles et leur capacité à produire une certaine forme d’intelligence. Au point d’élaborer dans les années 1950 un test (le « test de Turing »), un des premiers qui tente de discriminer l’intelligence humaine et une forme d’intelligence artificielle.
Dans son article de 1950 intitulé « Computing Machinery and Intelligence », il propose à un jury humain de discuter avec deux interlocuteurs situés dans deux pièces différentes. D’un côté, il s’agit d’un être humain, de l’autre d’une machine. En fonction des réponses données, le jury doit dire à quel type d’interlocuteurs il a affaire.
Dans la salle du cinéma Imagix, les réactions fusent. Notamment pour faire la distinction entre intelligence artificielle et conscience artificielle. Une limite trop souvent franchie de manière inconsciente quand on aborde les problèmes liés à ces avancées scientifiques et technologiques.
La question de l’intelligence artificielle et de ses progrès rapides taraude cependant nombre de chercheurs aujourd’hui, et non des moindres, comme on le lira… dans le dernier article de notre série « Science et cinéma ».
Note : le film “The Imitation Game” sur la vie d’Alan Turning est une adaptation du livre d’Andrew Hodges, « Alan Turing : The Enigma ».