Dix-huit mois de travail mené au Centre de recherche contre le cancer de l’Université Libre de Bruxelles (U-CRC) viennent de déboucher sur une intéressante avancée en ce qui concerne l’épigénétique de l’ARN. Ces travaux, portés par le Pr François Fuks, directeur de l’U-CRC et du Laboratoire d’épigénétique du cancer à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), montrent l’importance du rôle d’une des lettres de l’alphabet qui compose l’ARN: l’hydroxyméthylation (« hmC »).
« En étudiant le patrimoine génétique et épigénétique de la mouche du vinaigre, la drosophile, un organisme régulièrement utilisé dans les études de biologie moléculaire, nous avons pu montrer qu’hmC favorisait la traduction des ARN de la mouche du vinaigre en protéines », explique le chercheur. « Nous avons également pu établir la cartographie épigénétique complète de cette marque hmC ».
Enfin, le Pr Fuks et ses collègues ont encore pu démontrer le rôle essentiel joué par hmC au cours du développement de ces mouches. Si la production d’hmC est entravée… les mouches meurent, tout simplement.
Des modifications réversibles, contrairement à l’ADN
Ces travaux s’inscrivent dans un mouvement de recherche qui connait aujourd’hui un bel essor, celui de l’ARN et de l’épigénétique de l’ARN. Une voie de recherche qui occupe le Pr Fuks depuis des années et qui pourrait apporter des retombées importantes dans la compréhension de maladies telles que le cancer ou certaines pathologies neurologiques.
Ce qui est très intéressant à ce propos, c’est que contrairement aux mutations qui affectent la séquence d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles. « Dans certains cancers, des thérapies épigénétiques de l’ADN sont déjà une réalité », souligne François Fuks.
Depuis les travaux de Crickx et Watson de 1953 sur la structure de l’ADN, les scientifiques connaissent bien cette molécule et son rôle dans les organismes vivants.
Quand on parle de génétique, on parle de l’étude des gènes, soit des segments de l’ADN qui portent l’information permettant à l’organisme de fabriquer, ou non, diverses protéines. Entre les deux (ADN et protéines), on retrouve l’ARN, une autre molécule qui joue les intermédiaires.
Méthylation de l’ADN
L’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires. Et ces modifications épigénétiques sont donc réversibles.
L’ADN est constitué de 4 lettres/nucléotides (A, T, G, C) dont la séquence forme notre génome, rappelle-t-on à l’ULB. Nous savons qu’une 5e lettre, la méthylation de l’ADN (mC), complète le génome : mC participe à la spécialisation des cellules, en contrôlant l’expression de certains gènes.
Si ces gènes ne sont pas correctement méthylés, leur expression risque d’être altérée, participant ainsi à l’apparition de maladies, telles que le cancer.
L’alphabet de l’ARN
L’ARN représente l’autre molécule de la vie. Depuis plusieurs années, un changement de paradigme est en cours, qui implique que l’ARN est tout aussi important que l’ADN pour appréhender le livre de la vie.
En effet, il apparaît que l’ARN n’est pas simplement un intermédiaire entre ADN et protéine, mais permettrait d’expliquer plusieurs grands mystères de l’étude du vivant, tels que l’origine de la vie et le paradoxe de l’ « ADN poubelle ».
Dans ce contexte où l’ARN est placé au centre de nos préoccupations, une toute nouvelle voie de recherche émerge : l’alphabet complexe de l’ARN (ou épigénétique de l’ARN). Ainsi, tout comme pour l’ADN, outre les 4 lettres bien connues (A, U, G, C), des lettres additionnelles habillent chimiquement l’ARN. Toutefois, l’impact de l’épigénétique de l’ARN pour le devenir cellulaire est encore inexploré…
Les travaux de l’équipe du Pr François Fuks, dont il est question ici, lèvent pour la première fois le voile sur le rôle clef que joue une de ces lettres de l’ARN, l’hydroxyméthylation (hmC).