Du chlorure d’hydrogène, un gaz jusqu’alors non identifié sur Mars, vient d’être détecté par le satellite ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO) de l’ESA-Roscosmos. Cette première détection d’un gaz halogène implique un nouveau cycle chimique à comprendre.
Fausse piste
Le chlorure d’hydrogène gazeux, ou HCl, comprend un atome d’hydrogène et un atome de chlore.
« Les scientifiques ont toujours été à la recherche de gaz à base de chlore ou de soufre sur Mars, car ces composés sont des indicateurs possibles de l’activité volcanique. Mais, le fait que le chlorure d’hydrogène ait été détecté dans des endroits très éloignés en même temps et au vu de l’absence d’autres gaz attendus lors d’activités volcaniques, tout cela indique une source différente. La découverte suggère, en effet, une interaction surface-atmosphère entièrement nouvelle, due aux saisons de poussières sur Mars », expliquent les scientifiques de l’IASB (Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique), qui ont participé à cette étude internationale.
Des vents de poussières
Selon un processus très similaire à celui observé sur Terre, les sels sous forme de chlorure de sodium (NaCl) (qui sont des vestiges des océans évaporés et emprisonnés dans la surface poussiéreuse de Mars) sont soulevés dans l’atmosphère par les vents.
Le soleil réchauffe l’atmosphère, induisant un mouvement ascendant des poussières salées (NaCl) et de la vapeur d’eau (H2O) libérée par les calottes glaciaires. Ces deux composés entrent en interaction : le chlore (Cl) de l’un s’associe à l’hydrogène (H) de l’autre. En résulte du chlorure d’hydrogène (HCl).
« D’autres réactions pourraient faire redescendre à la surface les poussières riches en chlore ou en acide chlorhydrique, peut-être sous forme de perchlorates, une classe de sel composée d’oxygène et de chlore », précisent les scientifiques.
L’eau semble être un élément critique dans cette chimie : il faut de la vapeur d’eau pour l’hydrogène, mais aussi pour que la réaction chimique de dissociation du chlore et du sodium se fasse. « Mais la poussière martienne joue également un rôle important : on observe davantage de chlorure d’hydrogène lorsque les mouvements de la poussière s’intensifient, un processus lié au réchauffement saisonnier de l’hémisphère sud. »
L’été, un rouage majeur
L’équipe a repéré ce gaz pour la première fois lors de la tempête de poussières globale de 2018. Elle a ensuite constaté sa disparition étonnamment rapide à la fin de la période saisonnière de poussières (qui correspond à l’été dans l’hémisphère sud). Au cours de la saison des poussières suivante, des observations ont indiqué que la teneur en HCl augmentait à nouveau.
Le changement des saisons sur Mars, et en particulier l’été relativement chaud dans l’hémisphère sud, semble être le moteur de l’activité de la poussière liée à la détection du chlorure d’hydrogène.
«Pour l’instant, les observations menées avec NOMAD indiquent des quantités mesurables de HCl uniquement dans l’hémisphère sud en été. La question de comprendre pourquoi on n’observe pas le même phénomène en été dans l’hémisphère nord est encore ouverte », précise Dre Ann Carine Vandaele, responsable de l’instrument NOMAD, et membre de l’équipe de recherche “Atmosphères planétaires” à l’IASB.
« Des tests approfondis en laboratoire et de nouvelles simulations atmosphériques globales seront nécessaires pour mieux comprendre l’interaction surface-atmosphère à base de chlore. Des observations continues sur Mars sont également nécessaires pour confirmer que la hausse et la baisse du HCl sont liées à l’été dans l’hémisphère sud de la planète Mars », concluent les scientifiques. « Les observations de Trace Gas Orbiter nous permettent d’explorer l’atmosphère martienne comme jamais auparavant. »