Dispositif de mesure HeartKinetics © Alexandre Bibaut

Le smartphone, grand ami du cardiologue

15 février 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Nos téléphones portables recèlent d’outils surprenants. Et pas uniquement en ce qui concerne les télécommunications ou leur système de positionnement. Avec leurs multiples capteurs, ils se muent aussi en outils de surveillance de notre santé. Y compris cardiaque, comme le montre l’innovation du Dr Pierre-François Migeotte, fondateur de HeartKinetics, une spin off de l’Université libre de Bruxelles.

Avec leurs accéléromètres, par exemple, les smartphones permettent de comptabiliser le nombre de pas que nous faisons chaque jour. « Ce qu’on connaît sans doute (beaucoup) moins, c’est que ces mêmes accéléromètres, couplés aux gyroscopes, peuvent également aider à suivre l’activité cardiaque de leur porteur », indique le physicien de l’ULB. C’est l’exploitation de ces ressources, proposées par la plupart des smartphones, qui est à la base de ses recherches. Et de son application mobile de monitoring cardiaque qui, en 2017, déjà, se voyait décerner le 1er prix de l’innovation de l’Association européenne du rythme cardiaque (EHRA).

Les micro-tremblements décryptés en deux minutes 

L’idée de base est simple. « Il s’agit de mesurer les micro-réactions mécaniques du corps lors de chaque battement du cœur, pour suivre l’état de santé de celui-ci», explique Pierre-François Migeotte. « L’application mesure les micro-vibrations de l’activité cardiaque à l’aide des capteurs de mouvement des smartphones et des algorithmes d’intelligence artificielle. Elle évalue le rythme, la force cardiaque et l’hémodynamique pour délivrer un bilan complet en moins de deux minutes. Les données du patient sont ensuite envoyées au cardiologue afin d’être analysées. Une interface dédiée au cardiologue lui permet de consulter l’historique complet des mesures effectuées par ses patients pour une meilleure vision d’ensemble et un suivi personnalisé ».

A l’origine, la technologie d’HeartKinetics avait été développée pour répondre aux besoins spécifiques des astronautes à bord de l’ISS (Station Spatiale International), leur permettant de surveiller leur condition cardiaque lors de séjours prolongés en apesanteur. Elle a été affinée lors de recherches menées durant des campagnes de vols paraboliques, en collaboration avec le Dr Alexandre Almorad, cardiologue-chef de clinique à UZ-Brussel.

L’intelligence artificielle pour aider au diagnostic

« Au départ, notre prototype comportait deux boîtiers », détaille le Dr Migeotte. « Au fil de nos essais, nous nous sommes aperçus qu’avec le seul boîtier posé sur la cage thoracique, et donc sans les données d’électrocardiographie du second boitier, nous pouvions déjà obtenir une série d’informations utiles. » En écoutant le cœur dans les basses fréquences, les ondes mécaniques captées et traitées par un système d’intelligence artificielle permettent d’obtenir des données pertinentes pour le spécialiste.

Un smartphone posé sur la cage thoracique du patient, à la jonction du sternum et de la clavicule, permet donc « d’écouter » ce que les spécialistes appellent la chambre de chasse du cœur. Le système mesure les mouvements du corps qui signent la vitesse d’éjection du sang et il capte six types de paramètres qui sont ensuite interprétés par un modèle d’intelligence artificielle:

– L’énergie développée par le cœur
– La fonction d’éjection pour contrôler le fonctionnement des valves
– La distribution d’énergie pour évaluer l’effort du cœur à chaque étape du cycle cardiaque
– Le rythme cardiaque
– La variabilité du rythme cardiaque
– Le rythme respiratoire

« La rapidité et la facilité de cette solution devraient permettre à l’avenir de continuer à suivre le patient à distance, de diminuer les coûts des soins de santé et de mieux gérer les consultations à l’hôpital », développe le cardiologue Alexandre Almorad. « HeartKinetics répond au besoin des spécialistes de pouvoir suivre au mieux leurs patients avec une grande facilité ».

Objectif 2023 pour la commercialisation

« Les maladies cardiaques sont souvent diagnostiquées trop tardivement », explique Pierre-François Migeotte, fondateur et CEO de l’entreprise. Plus de 40 % des cas ne sont pas diagnostiqués par un généraliste, mais aux urgences. Pourtant, l’insuffisance cardiaque est un vrai problème de santé publique. Notre application n’a pas pour but de remplacer les outils du cardiologue, mais d’améliorer et faciliter les diagnostics en permettant de réaliser à distance une évaluation aussi complète que possible de la fonction cardiaque », précise-t-il.

L’entreprise envisage d’être sur le marché dans le courant de l’année 2023. Son ambition est d’abord européenne, mais l’application mobile pourrait à l’avenir conquérir les États-Unis, le Moyen-Orient et l’Asie, « où l’insuffisance cardiaque est un problème majeur », indique le Dr Migeotte en guise de conclusion.

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