La migration des oiseaux en mode 2.0

15 mars 2021
par Daily Science
Durée de lecture : 4 min

Chaque année, au printemps et en automne, des millions d’oiseaux migrent à travers notre pays. Ils le font principalement en haute altitude et la nuit, ce qui rend le phénomène largement invisible par le commun des mortels. Mais pas pour les radars météorologiques. Dans le cadre du projet CROW (Communicating RAVen to the Outside World ), l’Institut royal météorologique (IRM) et l’Institut de Recherche sur la Nature et les Forêts du gouvernement flamand (INBO) lancent une application web permettant de visualiser la migration aviaire en temps réel dans tout le Benelux. Et ce, grâce à dix radars météorologiques situés en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Allemagne.

Le développement de l’application web, disponible en tant que logiciel open source, a été co-supervisé par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) et soutenu financièrement par la Politique scientifique fédérale BELSPO.

Le graphique qui s’affiche en premier lors du chargement du site web est ce qu’on appelle le “MTR” (Migration Traffic Rate). Ce paramètre exprime le nombre d’oiseaux qui passent dans la zone du radar à chaque moment de la journée, à travers un écran imaginaire d’un kilomètre de large et de hauteur “infinie” (en pratique, l’écran est de 5 km de haut). Dans cet exemple, du 5 mars à 0h01 au 7 mars à 23h59, le radar de Zaventem a détecté 2300 oiseaux  © IRM / INBO
Cette figure montre comment les oiseaux sont répartis dans les couches verticales de l’atmosphère. Le paramètre indiqué dans cette figure est la densité des oiseaux, exprimée en nombre d’oiseaux par kilomètre cube. Ainsi, dans cet exemple, le radar de Zaventem a détecté un maximum (en jaune) de 20 oiseaux/km3 en début de matinée des 5, 6 et 7 mars 2021. A noter que des hypothèses, notamment sur la taille typique d’un oiseau migrateur, doivent être faites pour arriver à ce chiffre © IRM / INBO

Plan de vol modifié

Un radar météorologique détecte non seulement les gouttelettes d’eau dans l’atmosphère, mais aussi les oiseaux qui se déplacent dans l’air. Dans le cas des applications météorologiques et hydrologiques, ces derniers sont soigneusement éliminés des données radar. Mais pour les ornithologues et les écologistes, ces informations sont très précieuses pour mieux comprendre la dynamique et l’évolution de la migration aviaire à grande échelle.

Les oiseaux n’ont pas besoin d’un bulletin météo quotidien. Ils attendent simplement que les conditions météorologiques soient idéales, afin d’entamer leur long voyage vers leurs zones d’hivernage dans le sud, ou pour retourner à leurs zones de reproduction.

Cette année, leur migration a commencé très tôt. Et ce, à cause des températures particulièrement clémentes de la seconde moitié du mois de février. « Il s’agit d’un phénomène exceptionnellement précoce, car la migration printanière massive a généralement lieu au cours du mois de mars jusqu’à la mi-avril, dès que les conditions météorologiques telles que la direction des vents dominants, la température moyenne et la présence de zones de précipitations. »

Le site web révèle que, cette année, leurs vols se sont concentrés en particulier dans l’est du Benelux. Et ce, à cause de la direction du vent.

Le mouvement inverse, vers le sud, se fait généralement entre la mi-septembre et la fin octobre.

Mutualisation des données

Au cours des dix dernières années, l’IRM, l’INBO et l’IRSNB ont acquis une expertise considérable en matière de détection d’oiseaux par radar météorologique. Il y a quelques années, l’IRM a installé un logiciel spécial qui sépare le signal des oiseaux de celui des précipitations dans les images radar, puis le quantifie.

Le produit final de cette détection aviaire est partagé depuis plusieurs années avec la Bird Control Section de l’Aviation Safety Directorate (ASD) de la composante aérienne de la défense (ancienne armée de l’air). Ces informations sont utilisées pour délivrer des “BirdTAM” (BIRD noTice to AirmeN) aux pilotes de l’armée, afin d’éviter des collisions entre oiseaux et avions.

En outre, depuis plusieurs années, l’IRM fournit les données de ses radars au projet de recherche européen ENRAM (European Network for the Radar surveillance of Animal Movement) et à son successeur actuel GloBAM (Global Biomass flows of Aerial Migrations). Des organismes d’autres états européens agissent de la même façon, créant une grande banque de données ouvertes dont la lecture restait jusqu’ici l’apanage des spécialistes.

Avec le lancement du nouveau site web, l’IRM et l’INBO veulent rendre la détection des oiseaux par les radars météorologiques accessible à tous ceux qui s’intéressent au phénomène fascinant de la migration des oiseaux.

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