Le doctorat en entreprise fait son apparition en Wallonie

15 juin 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Un nouveau mécanisme de financement du doctorat entre aujourd’hui en vigueur en Wallonie. Il s’agit du programme « Doctorat en entreprise ». Ce programme permet aux entreprises situées en Wallonie d’engager un doctorant pendant une période de quatre ans. Un budget public couvrant de 50 à 70% du salaire du doctorant est prévu dans ce cadre par le gouvernement wallon. Des moyens complémentaires, destinés à couvrir des frais (forfaitaires) de fonctionnement liés à ce doctorat ainsi qu’une partie des frais généraux de l’entreprise accueillant un tel chercheur sont également prévus.

« Le mécanisme est simple », souligne Didier Paquot, directeur du département « Economie/Recherche » de l’Union Wallonne des Entreprises (UWE), qui applaudit à la mise en place de ce nouveau programme. « Avec ce programme, le gouvernement wallon met à la disposition des entreprises des moyens leur permettant d’engager un doctorant, et donc de payer son salaire ».

Quatre années de financement

Bien sûr, le doctorant est également encadré par une université, seule habilitée à délivrer le titre de docteur en fin de thèse. Ce qui implique qu’un accord de partenariat doit être signé entre l’entreprise qui désire entrer dans ce programme et l’université garante du volet académique.

Le ministre Pierre-Yves Jeholet (MR), en charge notamment de l’Economie et de la Recherche en Wallonie, est à l’origine de cette initiative. « L’entreprise déterminera avec l’université le sujet sur lequel portera la thèse, pour autant que celui-ci porte sur un domaine de la recherche appliquée et/ou orientée », indique-t-on à son cabinet. « Le candidat sera encadré conjointement par des représentants des deux institutions. Le programme de recherche sera mené à la fois dans l’entreprise, dans l’université et dans une institution tierce (université, organisme de recherche, ou encore filiale de l’entreprise) »

« C’est un pas supplémentaire dans ma volonté de rapprocher le monde académique et le monde industriel, qui doivent continuer à renforcer leurs synergies dans un but commun : l’excellence wallonne », indique de son côté le Ministre. « C’est une mesure « win-win » qui bénéficie à la fois à l’entreprise et à l’université, chacun voit ainsi son potentiel scientifique renforcé ».

Le programme « Doctorat en Entreprise » permet donc à une entreprise d’engager un chercheur pour réaliser une recherche de maximum 4 ans dans le cadre d’une thèse de doctorat en collaboration avec une université. Précision: le chercheur devra être titulaire depuis moins de 10 ans d’un diplôme reconnu qui lui donne accès à une formation doctorale.

Un programme également intéressant pour les petites entreprises

« Ce nouveau programme est une excellente opportunité pour les entreprises situées en Wallonie », estime Didier Paquot (UWE). « Il va permettre à des grandes, mais aussi des petites structures d’engager un chercheur et d’ainsi développer leur savoir-faire et leur compétitivité.

Ce programme s’adresse-t-il seulement à des ingénieurs (on parle ici beaucoup de recherches appliquées et valorisables par l’entreprise)? « Pas nécessairement », estime Didier Paquot. « Toutes les sciences sont potentiellement concernées », dit-il.

Quant à l’estimation du nombre de doctorants potentiellement concernés par ce nouveau programme, M. Paquot se montre circonspect. « Ce programme ne fait que démarrer. Je pense que d’ici deux ans, on il pourrait concerner 10 à 15 nouveaux doctorants en entreprise par an ».

Un chiffre modeste si on le compare au nombre de doctorants actuels recensés par le Cref (Conseil des recteurs des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles. D’après son  dernier annuaire disponible (2014), il y a actuellement 4.600 doctorants en FWB.

Un programme bénéfique pour chaque partenaire

« Le principal intérêt de cette mesure, par rapport à d’autres actions, est pour les entreprises et universités l’opportunité de réelles collaborations, la perspective d’une meilleure compréhension mutuelle et la prise en compte des besoins et attentes de chacun », dit-on encore au cabinet du Ministre Jeholet.

Pour le chercheur, l’attrait porte sur l’obtention d’un diplôme de doctorat valorisable et ce après avoir été confronté pour la première fois peut-être au monde de la recherche en entreprise alors que, jusque-là, il a probablement suivi un parcours totalement académique. Autres avantages: le développement d’une expérience industrielle valorisable par la suite, l’acquisition de nouvelles connaissances et méthodes mais aussi un réseau de contacts (réseautage).

Observatoire de la Recherche et des Carrières Scientifiques

Rappelons que le Fonds de la Recherche scientifique, F.R.S.- FNRS, qui finance chaque année le salaire de centaines de doctorants en Fédération Wallonie-Bruxelles (les « aspirants »), estime qu’une fois la thèse défendue, seule une portion réduite des docteur(e)s diplômé(e)s connaîtront une carrière académique. L’essentiel développant ensuite des carrières en dehors des universités et pas toujours dans la recherche.

Pour en apprendre davantage à ce propos, le F.R.S.-FNRS vient d’ailleurs de lancer un projet pilote de suivi des carrières des docteurs en Belgique: l’Observatoire de la Recherche et des Carrières Scientifiques (ORCS)

Satisfaction chez Objectif Recherche

Chez Objectif Recherche, une association qui aide les chercheurs à développer leur carrière, on voit cette initiative d’un très bon œil.

« Nous sommes convaincus qu’il faut multiplier les mécanismes qui permettent de rapprocher les chercheurs des entreprises », estime Laurence Theunis. « Cela peut passer par des stages en entreprise ou mieux encore, par un programme du genre « Doctorat en entreprise ». Une des grandes difficultés rencontrées par les docteurs est de pouvoir se projeter dans une fonction, un métier au sein d’une entreprise, à cause notamment d’une méconnaissance liée à ces filières professionnelles extra-universitaires. Avec ce type de nouveau programme, qui a fait ses preuves en France et même en Flandre (avec les « Baekeland-mandaten« ), on œuvre à ce rapprochement ».

 

 

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