Le culte de l’enfant roi est nuisible à la démocratie

15 juillet 2022
Par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Peu à peu, ces dernières décennies, l’enfant est devenu roi. Pr Serge Dupont, Pre Isabelle Roskam et Pre Moïra Mikolajczak du département de psychologie de l’UCLouvain, ont examiné, d’un point de vue historique, cette évolution des représentations associées à l’enfance. L’objectif était d’analyser les changements des pratiques éducatives au sein des familles et des écoles. Ainsi que, en s’appuyant sur plusieurs études empiriques en psychologie, les conséquences de ce culte, d’une part sur les enfants et les parents, d’autre part au sein des écoles (élèves et professeurs).

Changement de statut de l’enfant

En 1889, on votait en Belgique la première loi interdisant le travail des enfants de moins de 12 ans et limitant le travail des jeunes de 12 à 16 ans à 12h/jour. 130 ans plus tard, on réfléchit à supprimer les devoirs scolaires et on interdit la fessée dans de nombreux pays européens. De toute évidence, l’enfant a changé de statut. Alors qu’il a été négligé, voire méprisé pendant des siècles, il est de nos jours chéri et protégé.

Ce phénomène, appelé le culte de l’enfant (c’est-à-dire protéger l’intérêt supérieur de l’enfant, être attentif à ses besoins ) ou poussé à son extrême, le phénomène de l’enfant roi (enfant à qui le parent ne refuse rien, ce qui produit des enfants tyranniques), s’est concrétisé dans un ensemble de lois et d’accords internationaux visant à protéger l’intérêt supérieur des enfants.

Il s’est également accompagné d’un changement des pratiques éducatives au sein de nombreuses familles et écoles : il s’agit aujourd’hui de respecter chacun de leurs besoins, d’être attentif à leur bien-être, de diminuer les exigences et de les protéger de tout éventuel danger.

Des effets négatifs

Si cette volonté de protéger l’intérêt supérieur des enfants a engendré de nombreux bénéfices – davantage de reconnaissance de leurs droits et moins de violence à leur égard -, les scientifiques UCLouvain ont également identifié de possibles conséquences négatives.

« Les enfants objets de ce culte risquent en effet de pâtir de problèmes de santé mentale (symptômes dépressifs et anxiété) et physique. A cause de l’hyper-protection des parents, les enfants font moins d’activités physiques. Un exemple ? Ils courent aujourd’hui le 800 m en 4 min au lieu de 3 min. La conséquence ? Un risque d’obésité qui flambe. »

« Par ailleurs, les enfants objet de ce culte risquent de devenir plus narcissiques et moins matures ainsi que de développer moins de compétences cognitives », précise le trio de chercheurs.

« En outre, les adultes risquent de s’épuiser toujours plus dans leur volonté de se rapprocher des besoins et intérêts des enfants. »

Un danger pour la démocratie

« Soulignons également que nos sociétés démocratiques sont menacées par ce culte de l’enfant roi, dans la mesure où ces pratiques éducatives produisent des individus très éloignés d’un idéal de citoyenneté à la hauteur des enjeux politiques, économiques et écologiques qui affectent et affecteront notre monde », notent Serge Dupont, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak.

« Le narcissisme induit par le culte de l’enfant leur ôte leur esprit critique et leur capacité à privilégier l’intérêt général. Par exemple, un enfant individualiste ou avec moins de compétences cognitives éprouvera des difficultés à s’engager pour la cause climatique, laquelle nécessite une part de sacrifice, d’aller au-delà de son intérêt personnel. »

Quelle solution apporter ? « L’idéal serait de trouver un nouvel équilibre dans l’éducation des enfants. Soit ne plus rester fixé sur les bénéfices à court terme (bien-être) mais également prendre en compte les perspectives à long terme en lien avec un idéal de citoyenneté à la hauteur des enjeux auxquels nous serons confrontés. Et de considérer, outre les besoins des enfants, ceux des autres et du monde qui les entoure ; de combiner une discipline ferme et juste avec de la bienveillance. Enfin, de laisser les enfants respirer, vivre des expériences et surmonter des épreuves sans la présence parfois étouffante des parents », concluent Serge Dupont, Isabelle Roskam et Moïra Mikolajczak.

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