Les algues et les micro-algues intéressent de plus en plus l’industrie. Et pas uniquement pour confectionner des sushis ! Certes, au nord du pays, on travaille sur la production de micro-algues dans une perspective agro-alimentaire. Mais en Wallonie, ce sont les vertus antimicrobiennes de ces végétaux qui retiennent l’attention des chercheurs. Deux exemples d’innovations à suivre.
Production de farine “verte”
C’est en bordure du port d’Anvers que la société Proviron développe son expertise en matière d’algues, dans une perspective agro-alimentaire. Son unité de production de Nannochloropsis, une variété marine, totalise une soixantaine de photobioréacteurs répartis sur quelque 1200 mètres carrés (voir photo en tête d’article).
« Au départ de Nannochloropsis, une algue minuscule, riche en matières grasses, en éléments nutritifs ainsi qu’en Omega-3, nous produisons une sorte de farine verte », explique le Dr Tina Rogge, Development manager de Provifeed, la filière « algues » de Proviron. Elle contient beaucoup d’antioxydants, de vitamines et de minéraux. Une fois séchée et réduite en poudre, cette algue devient donc un excellent complément alimentaire durable ».
De quoi nourrir une bonne partie de la population mondiale ? « Nous avons fait des tests, précise la chimiste. C’est envisageable. Et à l’avenir, nous comptons explorer plus précisément cette possibilité. Pour l’instant, la poudre de Nannochloropsis que nous produisons sert surtout à nourrir les larves de bars et de dorades, deux espèces de poissons de mer élevés en aquaculture dans le bassin méditerranéen ».
Une nourriture pour écloseries et nurseries aquacoles
Les algues produites en Belgique sont transformées en un concentré vert emballé sous vide. Cette farine pâteuse, qui contient tous les éléments nutritifs nécessaires, est expédiée aux quatre coins de la Méditerranée pour alimenter de petits poissons, lesquels, quand ils seront arrivés à maturité, garniront nos assiettes.
Pour les exploitants de fermes aquacoles, cette nourriture naturelle et marine remplace avantageusement d’autres farines, qui souvent comprennent des restes… d’autres poissons issus de la (sur)pêche. Avec cette farine verte, on évite ainsi de « cannibaliser » les océans tout en assurant une bonne alimentation dans les écloseries et les nurseries aquacoles. Découvrez sur le site BreakingScience une explication plus complète du cycle de production de Nannochloropsis, notamment grâce à une batterie de biophotoréacteurs.
En Wallonie, cap sur le potentiel antimicrobien des algues
Au sud du pays aussi on s’intéresse aux algues. “Nous travaillons sur plusieurs espèces dans le cadre d’un projet FIRST de la région Wallonne“, explique la biologiste Stéphanie Tollenaere, attachée à l’Université de Liège. “Ce projet de recherche appliquée réunit le Laboratoire de Biologie moléculaire et biotechnologies végétales de l’ULg, la Haute Ecole Libre Mosane et deux partenaires industriels”.
“Baptisé Agalgam II, ce projet vise à la production d’acides gras insaturés au départ de diverses espèces d’algues et ce dans la perspective d’exploiter leur potentiel antibactérien”, précise le chercheuse. Cette alternative aux antibiotiques est intéressante, notamment parce que les dérivés d’algues n’entraînent pas l’apparition de souches multi-résistantes.
L’objectif du projet est d’identifier et d’extraire, à partir de micro-algues d’eau douce, des acides gras ayant une activité antimicrobienne, essentiellement antibactérienne et antifongique. Leur potentiel intrinsèque est prometteur : les micro-algues sont capables de produire une large variété d’acides gras. D’un point de vue économique, elles constituent dès lors une source de biomasse peu coûteuse, renouvelable et d’un approvisionnement aisé.
Pourquoi l’industrie chimique s’intéresse aux algues
N’est-ce pas étrange, pour une industrie chimique comme Proviron, de s’orienter avec la culture d’algues vers un des maillons de l’aquaculture ? « Certainement pas, indique le Dr Rogge. Les algues séchées que nous produisons sont riches en divers composés chimiques que nous comptons bien isoler et récolter avant de les valoriser. Ces composés peuvent être des colorants ou des molécules pharmaceutiques par exemple. Si la production d’algues prend de l’ampleur et se répand dans le monde, cette biomasse d’élevage pourra alors être considérée comme une nouvelle source « durable » de matières premières. Une matière première qui intéressera les marchés où les additifs naturels sont de plus en plus recherchés, comme les plastiques par exemple”.
Des algues dans votre moteur ?
A l’ULG, les Pr Fabrice Franck et Claire Remacle s’intéressent aussi aux algues comme source de carburant alternatif pour nos moteurs. “Les microalgues pourraient bien être d’une grande aide pour en finir avec notre dépendance aux énergies fossiles”, indiquait le magazine du FNRS de juin 2012 qui leur consacrait un reportage. Ces chercheurs de l’ULg, en collaboration avec d’autres équipes, s’intéressaient aux algues à la fois pour la production d’hydrogène et pour la production de biodiesel (page 24 du magazine).