L’Université de Liège vit les avantages de l’hypnose thérapeutique

15 novembre 2021
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
« 150 ans d’hypnose à l’Université de Liège », par Anne-Sophie Nyssen et Marie-Élisabeth Faymonville. Presses universitaires de Liège. VP 28 euros

Pour marquer le bicentenaire de leur université, Anne-Sophie Nyssen et Marie-Élisabeth Faymonville chapeautent «150 ans d’hypnose à l’Université de Liège» parus, en français et en anglais, aux Presses universitaires de Liège. La professeure de psychologie et l’anesthésiste-réanimatrice se sont entourées de médecins, psychologues, neurologues, chirurgiens, praticiens et chercheurs pour retracer l’évolution de l’utilisation thérapeutique de l’hypnose à l’ULiège.

Lors d’interventions chirurgicales

Le Pr Joseph Delboeuf est le précurseur de l’utilisation du phénomène hypnotique à l’ULiège.

«Après la mort de Delboeuf en 1896, l’intérêt pour l’hypnose connaît une baisse considérable en partie à cause de l’exagération des manifestations publiques qui en faisaient le remède miracle à tous les maux, discréditant l’outil thérapeutique par la même occasion», raconte la Pre Nyssen. «Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que l’intérêt pour l’hypnose se diffuse à nouveau. En particulier aux États-Unis.»

«À Liège, il faudra attendre 1990 pour que l’hypnose, plus exactement l’hypnosédation, soit réintroduite à l’hôpital par un médecin anesthésiste, Marie-Élisabeth Faymonville, dans le cadre d’interventions chirurgicales.»

«Mon enthousiasme de pouvoir apprendre les techniques hypnotiques pour les proposer aux patients me portait à rêver de faire une thèse d’agrégation sur ce sujet innovant dans le domaine médical», explique Marie-Élisabeth Faymonville qui a commencé sa carrière comme chargée de recherches au Fonds national de la recherche scientifique (FRS-FNRS). «Très vite, je me suis mise au travail et j’ai lu les grands auteurs américains qui rapportaient leurs expériences sur l’hypnose dans le soin. Les techniques de communication hypnotique étaient décrites en détail. Il suffisait de les appliquer.»

Pour le bien-être des patients et des soignants

L’occasion se présente au centre hospitalier universitaire de Liège (CHU). Un patient refuse la pose d’un implant sous anesthésie locale. Découvrant ses lourds antécédents cardio-pulmonaires, Marie-Élisabeth Faymonville propose l’hypnose. Le patient l’accompagne dans un endroit sécurisant et agréable. À la fin de l’intervention, il est très surpris que la chirurgie soit déjà terminée.

Réconfortée par cette expérience, l’anesthésiste utilise les techniques hypnotiques au bloc opératoire de chirurgie maxillo-faciale. Associées à une dose modérée d’antidouleurs.

«L’équipe opératoire était témoin d’une amélioration du confort des patients», note la docteure en médecine. «Les patients avaient vécu cette chirurgie avec grande sérénité, sans notion du temps et avec très peu de douleur.»

Des preuves scientifiques solides

Les techniques hypnotiques utilisées au CHU sont proposées à des volontaires. Examinées sous l’angle des processus cérébraux. L’étude est publiée presque simultanément à une recherche canadienne sur l’hypnose pour moduler la douleur.

Avec l’équipe du Centre de recherches du cyclotron de l’ULiège, Marie-Élisabeth Faymonville vérifie les structures cérébrales qui interviennent dans la modulation de la douleur sous hypnose. Le Pr Steven Laureys, dirigeant le Centre du cerveau du CHU de Liège, contribue à l’acquisition des données.

«Ainsi est née une collaboration interdisciplinaire, win-win, qui a certainement participé à la reconnaissance de nos recherches fondamentales sur les mécanismes neurophysiologiques de l’hypnose au niveau international», conclut la cheffe du service de la douleur au CHU.

Aujourd’hui et demain

Depuis 1992, près de 9.500 interventions chirurgicales ont été réalisées au CHU de Liège avec l’hypnosédation qui combine anesthésie locale, injection intraveineuse consciente et hypnose. De 1994 à 2019, 555 professionnels de la santé, belges et étrangers, ont été formés à la pratique de l’hypnose.

Au fil du livre, le lecteur découvre que cette technique est aussi proposée par des gynécologues. Ou pour soulager les symptômes physiques et psychologiques liés au cancer.

La réalité virtuelle ouvre de nouvelles possibilités. L’ordinateur accompagne le patient qu’il immerge dans un environnement multisensoriel en trois dimensions, créé par son imagination et les suggestions du thérapeute. La combinaison hypnose et réalité virtuelle peut diminuer de 50% la douleur et la prise d’opiacés.

Les plaintes des patients souffrant de problèmes de santé chronique, de mémoire, d’attention ou de vitesse de traitement de l’information incitent à élargir l’application des techniques hypnotiques.

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