En Europe, les bâtiments représentent à eux seuls 40 % de la consommation d’énergie. Or, les trois-quarts du parc immobilier restent inefficaces sur le plan énergétique. Dans le but réduire cette consommation d’énergie, de nombreuses solutions sont étudiées en vue d’améliorer les constructions d’aujourd’hui et de demain. Dans le cadre du projet Luminoptex, soutenu par Interreg France-Wallonie-Vlaanderen, des chercheurs misent depuis 2017 sur la conception de nouveaux textiles photoniques, c’est-à-dire capable d’émettre de la lumière, pour l’éclairage autonome des espaces intérieurs.
Du papier peint émetteur de lumière
« Les textiles ont l’avantage d’être un matériau peu coûteux, flexible, léger, et qui permet des applications esthétiques variées dans le bâtiment, comme des supports muraux (papiers peints), des revêtements de plafond, des rideaux, des tapis, etc. », résume Pascal Viville, responsable du projet Luminoptex et coordinateur scientifique de l’unité de Chimie des Matériaux Nouveaux au sein de Materia Nova.
«Nous nous sommes basés sur des supports en fibres textiles non-tissées, pour des applications de type décorations murales. Mais il est tout à fait possible d’appliquer la technologie que nous avons développée sur des supports en verre, en métal, en plastique ou encore en papier. »
Leur méthodologie consiste à intégrer au textile plusieurs fonctionnalités énergétiques lui permettant de capturer, de stocker et d’exploiter de l’énergie. Et ensuite d’émettre une lumière ambiante via des Diodes Electroluminescentes Organiques (OLED).
« Celles-ci ont l’avantage d’être faible consommatrice en énergie, tout en émettant de la lumière sur de grandes surfaces variées pour un éclairage planaire et diffus. Cette technologie exploite une alternative aux LED », précise le chercheur.
Des textiles qui récupèrent l’énergie perdue dans le bâtiment
« Concrètement, nous avons brodé dans le tissu des antennes dont le rôle est de collecter l’énergie résiduelle des radiofréquences Wifi et GSM environnantes. Cette énergie est ensuite stockée dans de petites batteries placées à l’arrière du textile. En récupérant cette énergie, les OLED intégrées au tissu sont capables d’émettre de la lumière de manière autonome », développe le Dr Viville.
Pour y parvenir, le projet européen a réuni le savoir-faire de plusieurs institutions belges et françaises. « L’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles s’est notamment concentrée sur la broderie des antennes. De son côté, l’Institut d’Electronique de Microélectronique et de Nanotechnologie a étudié la performance de ces antennes ». Parmi les partenaires belges, le centre de recherche Centexbel a travaillé sur les supports textiles, et l’UCLouvain sur le développement des batteries. Enfin, l’UMONS a sélectionné et modélisé les matériaux actifs pour les OLED, tandis que Materia Nova a mis le focus sur la fabrication concrète des dispositifs OLED.
La difficulté d’intégrer durablement des OLED dans les textiles
Cette phase du projet a représenté un réel défi pour les chercheurs. « L’utilisation de la technologie OLED dans les textiles est compliquée, notamment parce que les diodes doivent être isolées de l’environnement. De fait, elles se dégradent très vite à l’air et à la vapeur d’eau. Quand elles sont employées dans les écrans TV, elles sont isolées en étant encapsulées dans du verre. Pour les textiles, nous avons dû développer des alternatives pour conserver l’esthétique du support textile, ainsi que sa flexibilité. Une des solutions trouvées consiste à enrober l’architecture de l’OLED de plusieurs couches d’oxydes métalliques et de résines polymères. Une première pour notre laboratoire », souligne le Dr Viville.
Au terme de quatre années de recherches, les scientifiques du projet sont parvenus à développer deux types de prototypes : l’un intégrant des antennes dans le textile de manière esthétique et fonctionnelle ; l’autre alliant des batteries et des OLED. « La technologie n’est pas encore mature, mais nous avons réussi la première étape, à savoir valider en laboratoire la faisabilité de l’idée », conclut le coordinateur du projet.