Quel rapport y a-t-il entre le carnaval de Binche et la cérémonie de l’Elombo pratiquée non loin de Libreville, au Gabon? A priori pas grand chose. « Les divergences entre ces deux rituels sont évidentes », estime Sylvie Le Bomin, du Muséum national d’Histoire naturelle, à Paris. « Il s’agit de deux continents différents, de deux systèmes de pensée différents, mais malgré cela, j’observe de nombreux points de convergence. »
Dans le film « Through the Eyes », réalisé en 2020 dans le cadre du projet international de recherche Rietma, les chercheurs du Musée Royal de l’Afrique centrale (« Africa Museum ») de Tervuren et leurs collègues de France, du Gabon et du Burkina jettent un regard croisé sur ces pratiques.
La représentation de la culture par la musique
A leurs yeux, ou plus exactement à leurs oreilles, car ces rites sont rythmés par la musique, ce genre de culture populaire ne connaît pas de frontières.
« Dans les deux cas, ce sont des rites de passage », analyse l’ethnomusicologue Susanne Fürniss du Muséum national d’Histoire naturelle (Paris).
« Le film adopte une même approche pour ces deux rituels. Il aborde la question de la représentation de la culture par la musique, à travers les divergences, et surtout, les similitudes qui existent entre ces deux traditions », souligne Rémy Jadinon, musicologue à l’Africa Museum, d’où il coordonne le projet Rietma (Réseau international d’Étude des Traditions musicales africaines), financé par la Politique Scientifique fédérale belge (BELSPO).
Transmission des savoirs
« Dans les deux cas, on voit qu’il a un souci de la transmission de ces savoirs et de ces savoir-faire », reprend Sylvie Le Bomin. « Les fonctions ne sont pas les mêmes. Mais le fait d’appartenir à une confrérie lie les deux films. Tout comme le fait que la musique soit indissociable dans la présentation et les performances de ces confréries. »
Ces deux traditions obéissent aux mêmes règles, constatent les chercheurs. Elles ont une origine bien déterminée, une raison sociale ou personnelle de la pratiquer, le respect des règles et du secret, le sentiment d’appartenir à une même famille. « Dans le fonds, nous sommes en présence de deux sociétés qui font appel à une sorte d’initiation, qui se transmet de génération en génération », précise Larissa Nzang Metogo, du Musée national du Gabon, à Libreville.
Les films ont été tournés en 2019 en Afrique et lors du carnaval de 2020 à Binche. La parole est largement donnée aux acteurs et organisateurs de ces événements. Si on se limite à la simple vision de ce film, on est tenté de penser que la cérémonie de l’Elombo, avec ses chants, ses danses, ses rythmes qui peuvent mener à un état de transe, est un rituel en voie de disparition. Alors qu’à Binche, on sait la ferveur populaire et le succès du carnaval et de son emblématique Gille. Reste que la pandémie de Covid-19 est passée par là. Et que des deux manifestations, c’est finalement celle qui se tient depuis des siècles en Belgique qui connaît cette année un fameux contre-coup…