Vue d'artiste du projet de télescope Einstein en Euregio © Projet Einstein

Comment le Télescope Einstein va détecter « l’éternuement d’un proton »

16 avril 2025
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Pour enregistrer le passage des ondes gravitationnelles, ces rides de l’espace-temps détectées pour la première fois en 2015, il faut disposer d’instruments très sensibles. « Extrêmement sensibles, même », souligne le Dr Cédric Lenaerts, responsable du laboratoire de micro et nano-ingénierie de surface au Centre spatial de Liège (CSL). « Il s’agit de détecter quelque chose qui est de l’ordre de… l’éternuement d’un proton! »

Pour capter ce signal très faible, les scientifiques misent sur le froid pour limiter le bruit thermique. On parle de température de quelques degrés kelvins, soit à peine plus que le zéro absolu (qui est de -273 degrés Celsius). Et ceci sans générer de vibration. C’est ce qui vient d’être réalisé au CSL.

Dans le cas du projet de télescope souterrain Einstein,  pour la détection de telles ondes gravitationnelles, le Centre spatial de Liège a mis au point le démonstrateur ET-Cristal (CRyogenics & Inertial STAbility Lab) avec ses partenaires et l’équipe du Pr Christophe Collette, du laboratoire de mécatronique de précision de l’Université de Liège. Ce dispositif de cinq mètres de haut est avant tout un outil de Recherche & Développement.

Ailettes de refroidissement du prototype ET Cristal © Christian Du Brulle

Tester et valider les indispensables technologies cryotechniques

« Il s’agit d’un laboratoire destiné à tester et à valider les technologies qui seront à implémenter au sein du télescope », confirme Cédric Lenaerts, lors de la foire industrielle d’Hanovre (Allemagne). Pendant cet évènement, un stand porté par la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas, présentait les dernières avancées du projet de télescope Einstein et ses perspectives d’avenir. Sur le stand, une maquette d’ET-Cristal à échelle réduite, réalisée avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International, permettait de découvrir en détail ce prototype.

La cryogénie est la science du froid. Une des technologies testées avec succès dans ET-Cristal est un système inédit de refroidissement. Une sorte de radiateur composé d’ailettes statiques qui ne se touchent pas et qui permettent au final d’atteindre des températures très basses. « Grâce à ce prototype, nous avons atteint une température de 22 kelvins (- 251 degrés Celsius), dans des conditions de vide. Et ce, en 18 jours », précise le physicien. « C’est parfait pour démontrer la faisabilité de cette technologie. Nous sommes sur la bonne voie. Pour les instruments réels du futur télescope, il faudra sans doute pousser ces températures encore un peu plus vers le bas. »

Maquette du prototype ET Cristal présentée à la foire d’Hanovre © Christian Du Brulle
Prototype ET Cristal à Liège © Centre spatial de Liège

Lutter contre tout type de vibration et de bruit thermique

Mais pourquoi avoir créé un tel système de refroidissement « statique »? Pour éviter au maximum les problèmes de vibration et de « bruit thermique ». Le principe de fonctionnement du télescope Einstein est basé sur l’interférométrie. Des faisceaux laser traversent de longs tubes à vide dans des directions différentes. Ils font des allers-retours entre des miroirs et se recombinent pour générer une figure d’interférence sur un détecteur de photons. Cette méthode permet de mesurer les variations infinitésimales de la distance parcourue par la lumière à l’intérieur des tubes à vide lors du passage des ondes gravitationnelles. Les variations de distance sont de la taille d’un atome à l’échelle de la Terre par rapport au Soleil. Voilà qui explique pourquoi le système de refroidissement au cœur d’ET-Cristal est statique. Il n’est pas question qu’il génère la moindre vibration ni le moindre « bruit », un autre type de vibrations.

D’autres choix liés à la structure, la localisation et aux dispositifs à développer pour le télescope répondent aussi à cette contrainte de lutte contre les vibrations. Pour limiter les plus fortes, comme celles issues des activités humaines, des éoliennes, du trafic routier, le choix a été fait de construire ce télescope triangulaire souterrain, à 250 mètres sous la surface. Dans la structure même du télescope, pour éliminer les vibrations résiduelles, des systèmes actifs et passifs de ressorts et autres dispositifs amortisseurs sont également imaginés. Comme le système de refroidissement radiatif testé dans ET-Cristal.

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