Marie Lise Labonté égratigne la vérité dans son dernier livre «Du mensonge à l’authenticité», paru aux Éditions de l’Homme, (21,70 euros).
La psychopraticienne québécoise propage sa conception de la vérité lors de conférences, d’ateliers et de formations qu’elle organise aussi bien au Canada, qu’en Europe ou aux États-Unis.
En Belgique, l’ASBL des «Praticiens diplômés et élèves en méthode de libération des cuirasses» répand ses idées.
Interview
Marie Lise Labonté, les parents doivent tolérer que leur enfant mente…
Le petit enfant est tellement dépendant de la reconnaissance de ses parents qu’il ment par peur de leur déplaire, de perdre leur amour. Jusqu’à la préadolescence, le mensonge permet à l’enfant de construire sa personnalité. L’intention, la préméditation et l’anticipation peuvent susciter le mensonge dès l’âge de 6 ans. Selon la charge émotionnelle qui y est associée, mentir peut perdre sa dimension constructive pour acquérir un caractère plus dangereux. Et même destructeur. Les parents n’ont pas à s’en sentir culpabilisés. Mais, ils doivent se questionner pour éviter que les enfants ne développent une personnalité fortement identifiée au mensonge.
Que répondez-vous aux parents qui se sentent trahis par un mensonge de leur enfant?
Je leur dis que leur enfant ment parce qu’il a besoin de mentir. Je leur demande de s’interroger pour voir ce qui se trouve derrière le mensonge. Peut-être le besoin qu’on contrôle moins sa vie… Enfant et adolescente, j’ai entretenu le mensonge pour survivre dans ma famille qui était assez autoritaire. À 17 ans, j’ai menti pendant un an pour aller écouter du jazz. Je ne pouvais pas exprimer mon goût parce que mes parents étaient fans de musique classique. Ils étaient démunis devant ce mensonge. Ils ont dû demander l’aide d’un psy pour savoir ce qui ne fonctionnait pas convenablement chez moi.
Des parents affirment que leur enfant leur dit tout…
C’est très grave! L’enfant n’a plus sa personnalité. Il se fond dans tout ce que ses parents veulent de lui. Comme l’adulte, l’enfant a besoin de cultiver un jardin secret.
En mentant, l’enfant cherche parfois à imiter ses parents?
Dans les âges de développement de l’enfance, les parents ont un rôle important à jouer dans l’élaboration du mensonge. L’imitation fait aussi partie d’une étape de l’édification de la personnalité de l’enfant. Si les parents mentent, les enfants les imitent pour être comme eux. Ces types de mensonges sont destructeurs car ils engendrent de la confusion chez l’enfant qui répète, comme un automate, la réalité mensongère des parents pour s’assurer d’être aimé. Si, en étant parents, nous devions mentir en présence de notre enfant, et si cela devait se répéter, il serait important de lui expliquer, sans toutefois révéler tous nos secrets, les raisons pour lesquelles nous devons adopter cette attitude. Si mentir devient notre unique manière de communiquer avec notre enfant, nous pouvons provoquer une grande insécurité chez lui.
Tous les mensonges n’ont pas le même impact…
Certains mensonges ne seront jamais dangereux dans notre vie d’enfant et même dans notre vie d’adulte. Ils servent à protéger celui qui ment et son interlocuteur d’un malaise non nécessaire. D’un embarras ou même d’un sentiment de honte que l’on préfère éviter. En émettant un mensonge altruiste, nous évitons de faire de la peine. Nous ne disons pas à une tante âgée qui s’est faite élégante que son chapeau est laid… Il ne s’agit pas de dire toujours la vérité. Il faut agir avec discernement. Savoir si ma vérité ne va pas détruire l’autre. Ou me porter préjudice. Il est important d’apprendre à l’enfant à reconnaître les situations où il est acceptable de mentir sans tomber dans l’accoutumance.
Se mentir est le pire des mensonges?
J’ai travaillé avec des personnes atteintes comme moi d’une maladie auto-immune. Elles se mentaient. Elles voulaient vivre une vie qu’elles étaient incapables de vivre. J’avais envie de parler d’authenticité dans un livre. Évidemment, je devais passer par le mensonge. Pour beaucoup de personnes, se mentir n’est pas un acte conscient. Il peut s’agir de bons vieux réflexes d’autoprotection, de survie, qui sont devenus des habitudes comportementales non réfléchies. C’est là que le mensonge blesse. Mentir à soi-même, c’est comme mettre des pansements sur une plaie qui s’infecte. C’est perturber gravement la confiance nécessaire pour construire notre identité.