Cinq innovations « SHS » wallonnes et bruxelloises en vitrine à Lille

16 mai 2019
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Une aide digitale à la communication pour personnes autistes, l’organisation de consultations populaires participatives et anonymes, une base de données sur les couleurs et les pigments utilisés par plus de 5.500 artisans et artistes depuis l’Antiquité, ou encore deux « jeux sérieux » à finalité médicale…

Cette semaine à Lille (France), cinq projets de recherches en sciences humaines et sociales nés dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) sont en vitrine au salon « Innovatives SHS ». Organisé par le Centre national (français) de la recherche scientifique (CNRS), cet événement compte, pour la première fois cette année, la Belgique francophone comme partenaire, via la Délégation générale Wallonie-Bruxelles à Paris.

« Des réponses aux bouleversements »

« Plus que jamais, la valorisation des résultats de recherches menées en sciences humaines et sociales (SHS) est la bienvenue », estime Pascale Delcomminette, Administratrice générale de Wallonie-Bruxelles International (WBI), l’agence chargée des relations internationales de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et qui chapeaute les Délégations générales WB dans le monde. « Ces recherches apportent des réponses aux besoins des citoyens et des entreprises qui sont aujourd’hui au cœur des bouleversements comme la mondialisation ou le numérique », précise-t-elle.

Cette valorisation des résultats de recherches issus des universités et les hautes écoles belges francophones passe notamment par le réseau LIEU (Liaison Entreprises-Universités), également présent à Lille cette semaine. De quoi illustrer l’aptitude des scientifiques de la FWB à transférer leurs résultats vers le monde extérieur. En outre, quatre des cinq projets présentés ici bénéficient ou ont bénéficié du programme FIRST Spin-off de la Région Wallonne, de quoi les aider à transformer leurs résultats en un ou des produits commercialisables. On parle bien ici de valorisation de la recherche…

Deux jeux sérieux bons pour la santé

Prenons les deux « jeux sérieux ». Le premier, baptisé GAMotion, est une sorte de jeu de plateau géant (ou plus exactement de « tapis » géant). « Il s’adresse aux personnes âgées », indique la Dre Fanny Buckinx, de l’Unité de recherche Santé publique, épidémiologie et économie de la santé, au CHU de l’Université de Liège. « Il se joue avec un dé et entraîne les participants dans un parcours où chaque case propose de réaliser une petite activité physique ».

C’est une sorte de jeu de l’oie de 24 cases, réparties en quatre couleurs. Chaque couleur propose un type d’exercice travaillant soit la force, l’équilibre, la souplesse ou encore l’endurance. Suivant les participants, l’activité proposée peut être modulée, adaptée.

GAMotion est un jeu développé avec le concours de la Dre Fanny Buckinx (ULiège).
GAMotion est un jeu développé avec le concours de la Dre Fanny Buckinx (ULiège).

« L’idée est d’améliorer la mobilité des personnes âgées », précise la Dre Buckinx. « Et cela fonctionne! Nos études ont montré qu’après un mois de jeu de GAMotion, à raison de trois séances d’une heure et demie par semaine, les octogénaires voyaient leur activités physiques sensiblement progresser, le nombre de pas faits chaque jour augmenter ou encore leur vitesse de marche s’améliorer. Autant d’éléments qui aident à limiter les épisodes de chute… Sans parler de la motivation des participants! ». Cerise sur le gâteau, l’étude scientifique a également montré que les effets bénéfiques de ce jeu sur leur mobilité se mesuraient encore trois mois après la fin de leurs séances. Bref, il n’y a plus qu’à viser la commercialisation de ce résultat issu de la recherche SHS à Liège. La vitrine lilloise est donc la bienvenue.

ROGER, un outil d’évaluation et de réhabilitation cognitives

Dans un autre domaine, celui de la cognition, le Centre de recherche Cognition et neurosciences de l’Université libre de Bruxelles propose de son côté un jeu sérieux digital. Il prend la forme d’un logiciel de réalité virtuelle baptisé « ROGER » (Realistic Observation in Game and Experiences in Rehabilitation). Il résulte d’une collaboration entre une société de jeux vidéo (Fishing Cactus, à Mons), des chercheurs et des cliniciens en neuropsychologie de l’ULB et de l’hôpital Érasme.

Ce jeu permet de créer toute une série de scénarios se déroulant dans une maison. Ils constituent autant d’outils d’observations et d’évaluations des capacités cognitives des patients, mais peuvent aussi servir à des fins de rééducation cognitive.

Sébastien Serlet (ULB), présente le jeu sérieux "ROGER".
Sébastien Serlet (ULB), présente le jeu sérieux « ROGER ».

« La réalité virtuelle est acceptée comme outil thérapeutique et permet un meilleur transfert de la rééducation dans la vie de tous les jours », indique Sébastien Serlet, qui travaille sur ce projet au Centre de recherche Cognition et neuroscience, unité cognition, cognition et computation ( CRCN CO3), à l’ULB. « Il peut être utilisé par différents chercheurs ou praticiens comme des neuropsychologues, kinésithérapeutes, des logopèdes, des ergothérapeutes ».

Privilégier l’impact sociétal lors de l’évaluation des innovations SHS

« Notre maison virtuelle permet une immersion complète dans l’environnement de travail. Le logiciel intègre un éditeur de scénarios générique qui permet de travailler sur toutes les fonctions cognitives de diverses populations et d’apporter de nouvelles données pour la clinique et la recherche dans des troubles cognitifs aussi variés que ceux en lien avec la sclérose en plaques, un traumatisme, un AVC, des troubles du développement, des dépendances à certains produits, etc. ». Un bel outil… qui lui aussi est quasi mûr à être mis sur le marché.

De quoi inspirer les chercheurs en SHS de la Fédération Wallonie-Bruxelles et d’ailleurs? « Certainement », estime Jean-Luc Moullet, Directeur général délégué à l’innovation au CNRS. « L’innovation en Sciences humaines et sociales peut avoir trois impacts importants: économique, territorial (à des échelles locales) et sociétal. Et nous identifions deux voies pour leur valorisation: travailler avec des entreprises ou en créant des start-ups. Bien sûr, ces innovations SHS, quelles qu’elles soient, passent par un filtre d’évaluation comme n’importe qu’elles autres innovations issues de la recherche. Avec une différence toutefois. Nous leur appliquons une pondération toute particulière, liée à leur impact sociétal, et non principalement à leur impact économique ».

 

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