Série (9) / « PassionS de chercheurs »
Quand on fait de la recherche, il est clair que ses travaux scientifiques constituent la première des passions du chercheur. Mais ces femmes et ces hommes qui font progresser nos connaissances ont aussi besoin de lever le pied de temps à autre. Il s’agit de garder le contact avec la Société, de « recharger » ses batteries, s’aérer les méninges. Vivre, tout simplement. Cet été, Daily Science vous emmène à la rencontre de quelques-un(e)s de ces passionné(e)s. Une autre manière de découvrir la Science qui se développe dans nos universités.
Docteur en informatique et ancien doyen de la faculté d’informatique, Naji Habra occupe aujourd’hui le poste de 1er Vice-recteur de l’Université de Namur (UNamur)). Son temps libre, il l’octroie à l’écriture de nouvelles. Un hobby utile… dans ses nouvelles fonctions.
L’imprévu de l’écriture
« J’ai toujours caressé le rêve d’écrire », dit-il. Je voulais développer un autre facette de ma personnalité que celle liée au rationnel et à mon activité d’ingénieur » explique-t-il.
Diplômé d’ingénieur civil de construction à l’Université de Damas (Syrie) et d’informatique à l’Université de Louvain, Naji Habra réalise ensuite un doctorat à l’Université de Namur. Son créneau : le génie logiciel.
« C’est une vision d’ingénierie de l’informatique, une discipline qui prend compte des échéances, ainsi que des contraintes humaines et économiques » précise-t-il.
Une discipline qui demande beaucoup d’organisation et de logique.
« Alors qu’avec l’écriture, il faut se jeter à l’eau, sans savoir où l’on va. Quand on se lance dans l’écriture de fictions, rien n’est planifié. On démarre avec un personnage et on le découvre au fur et à mesure, en écrivant. Ce côté imprévu est vraiment génial », explique l’ingénieur.
Distance et bienveillance
Cela fait 10 ans maintenant que le Pr Habra s’adonne à cette activité.
« Je participe à des ateliers d’écriture une ou deux fois par mois ». Les membres y aiguisent leur plume, apprennent à jouer avec les personnages, ainsi qu’à se frotter à différents styles d’écritures.
« Le style que je préfère est un style décalé, humoristique, voire surréaliste. Nous pourrions dire que c’est un style ‘à la belge’ ! Les personnages qui me plaisent le plus sont les antihéros, des personnages ratés mais attachants. Peut-être justement parce qu’éloignés de l’égo surdimensionné fréquent à l’université ».
Comme tous les auteurs, Naji Habra s’inspire du quotidien pour nourrir ses histoires.
« La vie de tous les jours a un côté très romanesque. Et le personnel d’une université offre un microcosme extraordinaire ! » plaisante le vice-recteur.
Si son quotidien professionnel représente une source d’inspiration pour ses nouvelles. L’écriture lui a aussi permis d’aiguiser certaines qualités dans ses fonctions de 1er vice-recteur.
« Grâce à l’écriture, je mobilise plus d’empathie pour les autres car écrire m’incite à m’intéresser davantage aux autres facettes des personnages de la vie réelle. Quand je rencontre une personne, je veux aujourd’hui en apprendre plus, savoir ce qu’il y a derrière. Il y a toujours une autre vérité derrière les personnages que nous jouons dans la vie. Dans mon travail et la gestion du personnel, la personne qui se trouve en face de moi apporte avec elle ses souffrances, ses soucis. Ce qu’il faut évidemment prendre en considération. Mais aussi traiter avec un certain détachement. Ecrire m’a donc aussi appris à vivre avec plus de recul, d’envisager les autres avec un regard d’auteur et d’ainsi instaurer une distance ».
La force de l’imagination
Le recul apporté par l’écriture l’aide donc à résoudre plus facilement des problèmes dans sa profession.
« Mais pour solutionner un problème, il faut aussi de l’imagination. Dans une nouvelle, quand votre héros est par exemple coincé dans un ascenseur, la partie créative de votre cerveau va chercher par tous les moyens une issue. Dans la vie, c’est la même chose : il faut être créatif pour trouver des solutions, en passant par les options les plus loufoques ! ».
Une qualité que Naji Habra ne cesse de cultiver depuis qu’il rédige des nouvelles.
« Quand j’ai commencé à écrire, la partie droite de mon cerveau était un peu « fermée ». J’ai eu comme l’impression de soulever pour la première fois le couvercle d’une casserole dans laquelle j’ai découvert la force de l’imagination ! ».
Pour lui, c’est clair : l’écriture est une activité que tous les scientifiques devraient expérimenter. Elle offrirait aux cerveaux réputés pour leur rationalité deux grandes aptitudes : la perspective et la créativité.