Grâce à son dispositif expérimental, Zofia Syryczyńska parvient à rendre visible l'invisible, comme la chaleur émise par un briquet © Laetitia Theunis

La jeunesse scientifique belge se décline au féminin

16 septembre 2019
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 6 min

À Sofia, en Bulgarie, la crème des jeunes scientifiques s’est donné rendez-vous à l’EUCYS, la plus grande foire scientifique étudiante de l’Union européenne. Durant trois jours, 155 étudiants âgés de 15 à 20 ans défendent leur invention face à un jury de professionnels. Ils viennent de 39 pays. Cette année, six jeunes femmes représentent nos couleurs. Elles soutiennent trois projets, l’un en physique, l’un en chimie et un autre en médecine.

Le EU Contest for Young Scientists à Sofia © EUCYS

Chaque année, les jeunesses scientifiques de Belgique organisent le Belgium Science Expo. Durant deux jours, pas moins de 500 jeunes de 12 à 20 ans réunis en équipe présentent une cinquantaine de projets scientifiques ou techniques au grand public.

C’est parmi ce panel d’inventivité qu’ont été sélectionnées les étudiantes belges qui participent au concours européen pour jeunes scientifiques (EU Contest for Young Scientists). Celui-ci se tient chaque année dans une ville européenne différente. Il fait partie des «  Science with and for Society activities », département géré par la direction générale de la recherche de la Commission européenne et est financé dans le cadre du programme Horizon 2020.

Voir l’invisible grâce à la photographie Schlieren

Avez-vous déjà voulu voir l’invisible, comme la chaleur provenant d’une main ou le froid émanant de la glace ? Oui ? Alors vous partagez ce souhait avec Zofia Syryczyńska, 16 ans, étudiante en 5e secondaire à l’école internationale de Bruxelles.

« En suivant l’idée de Foucault, j’ai créé un dispositif expérimental fait maison permettant de voir des gaz, des courants d’air et des mouvements, une respiration ou même des ondes sonores. » Le résultat, exploitant l’effet Schlieren, est bluffant.

Réfraction et lame de rasoir

Avec un miroir sphérique (tel celui d’un télescope), une lame de rasoir, une source de lumière LED aussi petite que possible et une caméra vidéo à vitesse d’obturation élevée, il est possible de voir des choses qui ne peuvent l’être à l’œil nu.

« Grâce au phénomène physique qui se produit, comme la réfraction, et au fait que la lame de rasoir ne laisse qu’une partie des rayons lumineux revenir dans l’objectif de la caméra, il est possible de créer une image « invisible » du flux d’air. »

« J’utilise une caméra vidéo avec vitesse d’obturation rapide pour enregistrer les expériences. La lampe de poche LED envoie un rayon de lumière qui est renvoyé par le miroir dans le centre de l’objectif de la caméra. À cause de la réfraction, les chemins de certains rayons lumineux changent. La lame de rasoir, qui se trouve devant la caméra, coupe une partie des rayons déviés. Moins de lumière pénètre alors dans l’objectif. Cela crée une différence de luminosité de l’image, permettant de voir la bande. C’est ainsi que l’image Schlieren est créée. »

La lame de rasoir coupe une partie des rayons lumineux réfléchis et moins de lumière pénètre dans l’objectif de la caméra. Cela crée une différence de luminosité de l’image, permettant de voir la bande. C’est ainsi que l’image Schlieren est créée © Zofia Syryczyńska

Zofia, attirée par des études supérieures en aéronautique, domaine exploitant l’effet Schlieren, met la conception du dispositif à disposition des enseignants pour qu’ils refassent l’expérience en classe. « Il faut montrer que la physique peut être à couper le souffle. » Elle a passé ces vacances d’été à développer une version 3D de la photographie Schlieren. Passion quand tu nous tiens !

Enlever les hydrocarbures de la surface des océans

Comment nettoyer les océans ? C’est la question dont se sont emparées trois étudiantes de rhéto de l’Athénée Royal de Dour. La problématique étant vaste, elles ont mis le focus sur la pollution aux hydrocarbures.

« Pas moins de 150.000 tonnes d’hydrocarbures sont déversées dans la mer chaque année. À cela s‘ajoutent 200.000 tonnes lâchées dans l’air qui finiront par se retrouver à la surface de l’eau. On voulait trouver une solution à ce problème », explique Noa Somville.

Pour réussir à ôter les hydrocarbures de l’eau, elles ont effectué différentes recherches. « La plupart des filtres du commerce contiennent du charbon actif, on s’en est inspiré. Une première expérience a révélé que le charbon actif était capable de se gorger d’iso-octane, l’hydrocarbure mis à disposition par l’école », explique Clara Allegro.

«  Les molécules ramifiées d’iso-octane viennent s’accrocher, s’adsorber sur la surface poreuse du charbon actif », explique Marion Hindryckx. « Il existe un seuil de saturation au-delà duquel le charbon devient inactif. Il est possible d’en extraire l’hydrocarbure et de le réactiver jusqu’à obtenir 95 % de la capacité de départ. »

Marion Hindryckx, Clara Allegro et Noa Somville expliquent leur prototype de bateau nettoyeur des océans à une membre du jury EUCYS © Laetitia Theunis

Des coques de bateau en guise de filtres

Si les hydrocarbures ne se mêlent pas à l’eau et restent à sa surface, c’est à cause de leur densité plus faible. Les étudiantes ont imaginé des prototypes d’engins nettoyeurs flottants : un bateau dont la coque serait recouverte de charbon actif, qui irait de site pollué en site pollué pour les nettoyer. Un autre concept d’engin naviguant rappelle la raie manta dont les grandes ailes seraient couvertes de charbon actif.

Si l’idée est accrocheuse, aucune des trois têtes pensantes ne se prédestine à devenir chimiste ou ingénieure. Noa voudrait être psychologue, Clara mener carrière dans le biomédical et Marion devenir pédiatre.

Maya Dubois et Emilie Greco ont créé un prototype de la forme d’une canette permettant aux personnes sourdes de ressentir les vibrations de la musique via la paume de leur main © Laetitia Theunis

Pour que les sourds ressentent la musique

Un duo de jeunes femmes, étudiant elles aussi à l’Athénée Royal de Dour, ont présenté leur prototype d’oreille artificielle. De la forme d’une canette, il transmet les vibrations de la musique émise par le téléphone portable auquel il est raccordé via un amplificateur. En prenant le prototype en main, la personne sourde ressent la musique via ces vibrations.

Cette invention prend racine dans le terreau familial. Le grand-père d’Emilie Greco est peu à peu devenu sourd. Il rêvait d’à nouveau écouter de la musique. Sa petit-fille a cherché à exaucer son souhait. « Quand il a pris la cannette en main, il était très content, il voulait danser. »

« On veut rendre le prototype plus discret et pratique à emporter », explique Maya Dubois, co-créatrice du prototype. « On en envisage un autre à glisser dans les chaussures. » En effet, « les personnes sourdes ressentent mieux les vibrations au bout des doigts, dans la paume de la main, au niveau des tempes et … de la plante des pieds », explique Emilie Greco.

Désormais en rhéto, les deux jeunes femmes vont demander à avoir du temps libre pendant les cours de physique ou de laboratoire afin de travailler sur ce projet. « On veut le mener plus loin »

 

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