La solitude, fléau des sociétés contemporaines axées sur l’individu, engendre des conséquences sanitaires aussi graves que l’obésité ou le tabagisme. Les risques de développer des maladies cardiovasculaires, des troubles neurodégénératifs, ou de faire face à une mortalité précoce, sont significativement accrus chez les individus en situation d’isolement. Pourtant, le nombre de personnes affectées par ce phénomène ne cesse de croître, sans distinction de genre ou d’âge, faisant de la solitude un risque universel.
La conséquence ? Les personnes isolées, sans participation sociale, sont celles qui ont la consommation la plus élevée de soins de santé et de médicaments, solutions souvent inadéquates face à la solitude. Aujourd’hui, 50 % des patients sollicitant leur médecin généraliste, le font suite à des angoisses ou de l’anxiété liées à la solitude (15 % chez les ados et 45 % chez les + de 65 ans).
Face à ces constats, Jessica Morton, alors doctorante à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCLouvain, a exploré lors de sa thèse (défendue en juin 2025) l’efficacité des réponses sociales plutôt que médicales, pour faire face à la solitude. Et parmi elles, l’impact de la participation sociale sur la santé, mettant en lumière les mécanismes psychologiques sous-jacents, tels que l’identité sociale, le sentiment de sens et le soutien social perçu.
Importance cruciale des liens
« Aujourd’hui, bien que la participation à la vie sociale soit reconnue pour ses bénéfices sur la santé, sa mise en œuvre se heurte aux barrières des sociétés ultra-individualisées. Les programmes de prescription sociale, bien que prometteurs, peinent à démontrer leur efficacité, les associations locales manquant souvent des ressources nécessaires pour accompagner les publics fragilisés », explique la chercheuse.
Elle a donc étayé l’impact de la participation sociale auprès d’un échantillon de 4 988 personnes, âgées de 18 à 92 ans, représentatives de la population belge majeure, en collaboration avec les Mutualités chrétiennes.
Résultats ? Le simple fait de rejoindre un groupe social, en dehors de la maison et du travail, a un impact positif sur la santé.
« Les possibilités de participation sociale sont multiples. Etre moteur aura un impact accru sur la santé. Néanmoins, une participation même passive permet d’augmenter significativement le niveau de bien-être et donc le sentiment d’appartenance. Tous les types de personnalité peuvent trouver leur place dans un groupe et donc bénéficier d’un apport social. De plus, étendre sa participation sociale à plusieurs groupes permet de répondre à divers besoins sociaux complémentaires et augmente également les bienfaits de la socialisation », explique Jessica Morton.
« L’impact de la participation sociale va au-delà des diversités. Le handicap et la maladie, par exemple, ne constituent pas des freins, il s’agit juste de l’envisager autrement. »
« Aussi, le partage d’une identité sociale favorise l’adhésion au groupe. Quelques exemples ? Participer à une chorale permet la synchronisation par la voix et le geste et donc de faire corps, ensemble. Se réunir dans le cadre d’une activité de folklore (par exemple, les Gilles de Binche ou le Doudou à Mons) suscite une synchronisation émotionnelle et/ou comportementale et agit sur le sentiment d’appartenance. »
Un accompagnement individuel complémentaire
Face à ces constats, la chercheuse recommande d’avoir recours davantage à l’accompagnement psychologique individuel. En effet, « l’accompagnement psychologique individuel et adapté offre une piste complémentaire à la participation sociale. Cela peut paraître évident, mais la réalité est tout autre.
Contrairement à la dépression pour laquelle le réflexe est de se faire suivre par un psychologue, les maux liés à la solitude sont souvent uniquement pris en charge par un médecin généraliste et traités avec des médicaments », conclut Jessica Morton.