Le kilo étalon prend sa retraite

16 novembre 2018
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 7 min

Enterrement de première classe, aujourd’hui à Versailles (France), pour le grand K, le kilo étalon. Ce petit cylindre de platine et d’iridium d’un peu moins de quatre centimètres de haut, et qui est la référence mondiale pour la mesure de la masse, devrait être remplacé par une unité « dématérialisée ».

Des dizaines de spécialistes de la métrologie (la science de la « mesure ») issus de plus de 60 pays doivent en effet décider de remplacer le vénérable « Kilo » étalon de platine par une autre manière de mesurer la masse. Une méthode plus exacte, plus stable dans le temps et surtout, universelle. Plus besoin de comparer les kilos de référence nationaux, clones du grand K, avec le modèle initial conservé en France.

Un objet instable dans le temps

C’est que le grand K, comme on appelait jusqu’à présent cette pièce de référence, n’est pas stable dans le temps. En 130 ans, il a fameusement maigri. Le petit cylindre en question, enfermé dans trois cloches de verre, a perdu 50 microgrammes en un peu plus d’un siècle sans qu’on sache réellement pourquoi! Embarrassant pour une unité de référence…

Dérive de la masse de certains kilogrammes de référence dans le temps. (Source: BIPM)
Dérive de la masse de certains kilogrammes de référence dans le temps. (Source: BIPM)

 

Les spécialistes de la métrologie devraient donc voter une résolution portant sur la révision du Système international d’unités (SI) dans le cadre de la 26e réunion de la  Conférence générale des poids et mesures (CGPM). Une résolution qui propose de remplacer la définition du kilo en fonction de la constante de Planck – la constante fondamentale de la physique quantique. Une constante de la Nature, prête à être utilisée partout et toujours.

Pourquoi est-il si important de disposer d’un système d’unités communes et parfaitement définies? Découvrez ici la réponse en images:


En Belgique aussi, on se préoccupe de cette évolution de la définition des unités fondamentales et de la dématérialisation du kilogramme. A l’Observatoire Royal de Belgique, notamment. Certains de ses membres rappellent à ce propos aujourd’hui les liens qui exist(ai)ent entre les unités du SI et… la Terre, sa rotation, ses dimensions, sa masse et… le reste de l’Univers.

Les constantes fondamentales à la rescousse

Le kilo n’est pas la seule unité fondamentale qui devrait être définitivement « dématérialisée » aujourd’hui. Les nouvelles définitions attendues concernent en réalité quatre des sept unités de base du SI: le kilogramme, l’ampère, le kelvin et la mole, ainsi que toutes les unités qui en dérivent, telles que le volt, l’ohm et le joule.

  • • Le kilogramme sera défini par la constante de Planck (h)
  • • L’ampère sera défini par la charge électrique élémentaire (e)
  • • Le kelvin sera défini par la constante de Boltzmann (k)
  • • La mole sera définie par la constante d’Avogadro (NA)

Cette décision signifie que toutes les unités du SI seront définies en termes de constantes décrivant le monde naturel. Cela garantira la stabilité future du SI et ouvrira la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies, y compris les technologies quantiques, pour mettre en œuvre les définitions.

Les nouvelles définitions d’application le 20 mai 2019

« Bien que la taille de ces unités ne change pas (un kilogramme sera toujours un kilogramme), les quatre unités redéfinies rejoindront la seconde, le mètre et le candela afin de garantir que l’ensemble des unités de base du SI continuera à être à la fois stable et utilisable universellement », indique-t-on au Bureau International des poids et mesures (BIPM), l’organisation intergouvernementale chargée de ces unités.

En cas d’accord sur cette résolution, ces modifications entreront en vigueur le 20 mai 2019.

Voici comment seront alors définies les sept unités fondamentales (attention, c’est un peu technique!):

  • −  La seconde, symbole s, est l’unité de temps du SI. Elle est définie en prenant la valeur numérique fixée de la fréquence du césium, ∆νCs, la fréquence de la transition hyperfine de l’état fondamental de l’atome de césium 133 non perturbé, égale à 9 192 631 770 lorsqu’elle est exprimée en Hz, unité égale à s–1.
  • −  Le mètre, symbole m, est l’unité de longueur du SI. Il est défini en prenant la valeur numérique fixée de la vitesse de la lumière dans le vide, c, égale à 299 792 458 lorsqu’elle est exprimée en m/s, la seconde étant définie en fonction de ∆νCs.
  • −  Le kilogramme, symbole kg, est l’unité de masse du SI. Il est défini en prenant la valeur numérique fixée de la constante de Planck, h, égale à 6,626 070 15 × 10–34 lorsqu’elle est exprimée en J s, unité égale à kg m2 s–1, le mètre et la seconde étant définis en fonction de c et ∆νCs.
  • −  L’ampère, symbole A, est l’unité de courant électrique du SI. Il est défini en prenant la valeur numérique fixée de la charge élémentaire, e, égale à 1,602176634×10–19 lorsqu’elle est exprimée en C, unité égale à A s, la seconde étant définie en fonction de ∆νCs.
  • −  Le kelvin, symbole K, est l’unité de température thermodynamique du SI. Il est défini en prenant la valeur numérique fixée de la constante de Boltzmann, k, égale à 1,380 649 × 10– 23 lorsqu’elle est exprimée en J K–1, unité égale à kg m2 s–2 K–1, le kilogramme, le mètre et la seconde étant définis en fonction de h, c et ∆νCs.
  • −  La mole, symbole mol, est l’unité de quantité de matière du SI. Une mole contient exactement 6,022 140 76 × 1023 entités élémentaires. Ce nombre, appelé «nombre d’Avogadro», correspond à la valeur numérique fixée de la constante d’Avogadro, NA, lorsqu’elle est exprimée en mol–1. La quantité de matière, symbole n, d’un système est une représentation du nombre d’entités élémentaires spécifiées. Une entité élémentaire peut être un atome, une molécule, union, un électron, ou toute autre particule ou groupement spécifié de particules.
  • −  La candela, symbole cd, est l’unité du SI d’intensité lumineuse dans une direction donnée. Elle est définie en prenant la valeur numérique fixée de l’efficacité lumineuse d’un rayonnement monochromatique de fréquence 540 × 1012 Hz, Kcd, égale à 683 lorsqu’elle est exprimée en lm W–1, unité égale à cd sr W–1, ou cd sr kg–1 m–2 s3, le kilogramme, le mètre et la seconde étant définis en fonction de h, c et ∆νCs.

La valeur des constantes utilisées

Et quitte à repréciser les choses, la même résolution (re)précise aussi la valeur des constantes naturelles sur lesquelles se basent la nouvelle réforme du SI.

−  la fréquence de la transition hyperfine de l’état fondamental de l’atome de césium 133 non perturbé, ∆νCs, est égale à 9 192 631 770 Hz,
−  la vitesse de la lumière dans le vide, c, est égale à 299 792 458 m/s,
−  la constante de Planck, h, est égale à 6,626 070 15 × 10−34 J s,
−  la charge élémentaire, e, est égale à 1,602 176 634 × 10−19 C,
−  la constante de Boltzmann, k, est égale à 1,380 649 × 10−23 J/K,
−  la constante d’Avogadro, NA, est égale à 6,022 140 76 × 1023 mol−1,
−  l’efficacité lumineuse d’un rayonnement monochromatique de fréquence 540 × 1012 Hz, Kcd, est égale à 683 lm/W, où les unités hertz, joule, coulomb, lumen et watt, qui ont respectivement pour symbole Hz, J, C, lm et W, sont reliées aux unités seconde, mètre, kilogramme, ampère, kelvin, mole et candela, qui ont respectivement pour symbole s, m, kg, A, K, mol et cd, selon les relations Hz = s–1, J = m2 kg s– 2, C = A s, lm = cd m2 m –2 = cd sr, et W = m2 kg s–3.

Pour en savoir (encore) davantage, rendez-vous au BIPM!

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