Écouter ce que se chuchotent les cellules cancéreuses, comprendre comment évolue (ou non) le langage chez les enfants autistes, identifier dans l’intestin tous les facteurs à l’origine de diverses maladies… La seconde fournée des projets de recherche EOS (Excellence of Science) est riche et ambitieuse.
Au total, 37 projets (sur les 278 propositions envoyées au FNRS et son alter ego flamand le FWO) vont être financés au cours des quatre prochaines années. Impératif de ce programme: mener des collaborations de haut niveau entre les meilleures équipes de chercheurs du nord et du sud du pays. Le budget qui y est consacré (121 millions d’euros) est à la hauteur de ces ambitions. La qualité des projets retenus également.
Communication de cellule à cellule
Un de ces projets alliera par exemple l’expertise de l’Université Libre de Bruxelles, de la KULeuven et de l’Université de Gand en matière de cancers de la peau. Coordonné par le Pr Cédric Blanpain, spécialiste des cellules souches à l’ULB (et par ailleurs lauréat du Prix Francqui en 2020), ce projet va s’intéresser à la communication de cellule à cellule dans le cancer.
« Avec la technologie, on comprend de mieux en mieux les états cellulaires qui composent une tumeur », rappelle le Pr Blanpain. « Par contre, nous ne savons pas encore grand-chose sur la communication de cellule à cellule dans ce cadre », explique-t-il. « C’est ce que nous voudrions désormais mettre en lumière. À l’ULB, nous voulons identifier le transcriptome de toutes les cellules qui composent une tumeur et son micro-environnement. Nos collègues de Louvain et de Gand vont de leur côté tenter de cerner les réseaux de régulation génétique qui contrôlent chacun de ces états cellulaires grâce à de la modélisation bio-informatique. Et ce pour ensuite tenter de prédire comment fonctionne la communication entre les différentes cellules ». Description, modélisation et ensuite confirmation de la modélisation: cette trilogie devrait également permettre aux chercheurs de déterminer l’impact thérapeutique que leurs découvertes pourraient livrer.
Quelles liaisons entre le microbiote, l’inflammation et l’apparition de maladies?
À l’UCLouvain, dont différents groupes de chercheurs se retrouvent impliqués dans 19 des 37 projets EOS retenus par le jury, le Pr Patrice Cani, est lui aussi aux commandes d’un de ces projets.
« Joindre l’expertise d’une dizaine de partenaires issus de différentes universités dans le domaine de l’inflammation, du système digestif, du cancer et du microbiote va nous permettre de décortiquer les mécanismes qui expliquent d’un point de vue physiologique ou pathologique, les interactions qui existent entre le microbiote intestinal et son hôte. Et comment ces mécanismes pourraient contribuer au déclenchement de toute une série de maladies », indique le professeur de métabolisme moléculaire et nutrition au LDRI (Louvain Drug Research Institute).
Pour identifier ces liaisons, les partenaires de ce projet vont combiner des recherches in vitro, in vivo, des modèles animaux, des biopsies humaines et des données provenant de groupes de patients.
Autisme et langage
Autre exemple de projet soutenu pendant quatre ans par le programme EOS: l’étude coordonnée par le Pr Mikhail Kissine, qui dirige le groupe « Autisme en Contexte : Théorie et Expérience », à l’Université libre de Bruxelles.
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Avec des collègues des universités de Gand et de Louvain, il va mener une étude visant à suivre, dans l’ensemble du pays, le développement linguistique et cognitif de 300 enfants autistes âgés de 3 à 6 ans.
« Notre but est de dresser le profil le plus complet possible des différentes trajectoires suivies par ces enfants. Nous souhaitons déterminer comment et pourquoi évoluent les enfants autistes entre l’âge de 3 et 6 ans affichant un problème de langage. À trois ans, 60% des enfants autistes ne parlent pas. Une partie importante d’entre eux va résorber ce retard vers l’âge de 6 à 7 ans. Mais 25% environ des enfants souffrant de troubles du spectre de l’autisme vont rester non-verbaux toute leur vie. Nous voulons comprendre les raisons qui se cachent derrière ces différentes trajectoires. Afin que cette étude soit la moins invasive possible pour ces enfants et leur famille, trois laboratoires mobiles (trois camionnettes) vont être amenés à sillonner la Belgique pour réaliser cette étude ».
Des avancées scientifiques de premier plan en perspective
Comme lors de sa première édition, le programme EOS 2021 a connu un grand succès. Il soutient cette année principalement des projets en sciences et technologie et en sciences médicales, mais aussi en biologie, en sciences humaines, en sciences sociales et également quelques projets interdisciplinaires. À noter encore: 23 de ces projets (par exemple celui du Pr Cani à l’UCLouvain) coopéreront également avec une institution de recherche étrangère.
« Il faut à nouveau souligner le haut niveau d’excellence de l’ensemble de ce programme et la collaboration optimale avec le FWO », indique Véronique Halloin, Secrétaire générale du FNRS.
« Je suis persuadée que la synergie entre chercheuses et chercheurs des deux communautés est extrêmement importante: la qualité générale des dossiers analysés et en particulier celle des dossiers sélectionnés est impressionnante et annonce des avancées scientifiques de premier plan », conclut-elle.