SERIE (2) Sport et recherche
Guy Vandenhoven est médecin sportif spécialisé en médecine de plongée. Il est même un des spécialistes les plus reconnus dans ce domaine. S’il est devenu ce savant peu commun, c’est parce qu’il est lui-même passionné par la plongée et en a fait son hobby bien avant d’avoir terminé ses études de médecine.
Le fruit d’une rencontre fortuite en Grèce
“Tout a commencé quand un voisin de mon père, artisan restaurateur de meubles par profession, m’a proposé de l’accompagner à un entraînement de plongée à la piscine du Poseidon à Bruxelles”, explique-t-il. « Je fus d’emblée intéressé. Mais mes parents, bien que sportifs, ne m’autorisèrent pas à pratiquer ce sport, considérant qu’il était dangereux ».
L’affaire ne fut pas classée pour autant. S’étant inscrit quelques années plus tard en faculté de médecine, le futur docteur Vandenhoven devait participer à un voyage dans le désert lorsque faute de passeport, les organisateurs durent renoncer à mener leur projet à bien.
L’objectif devint la Grèce, ce qui n’enthousiasmait pas notre homme mais il y participa tout de même. « C’est en Crête, sur une plage, que nous avons rencontré un groupe de Français qui se déplaçaient avec trois voitures Renault 5 dont chacune était peinte dans une des couleurs de leur drapeau national. Ils étaient plongeurs et m’ont proposé d’essayer leur matériel. Et c’est ainsi que pour la première fois de ma vie, j’ai plongé en mer… seul. C’était dangereux mais à ce moment-là, je ne m’en rendais pas compte ».
Une solide expérience acquise en cabinet et en mer
De retour au pays, Guy s’inscrivait dans un club de plongée. Au terme de ses études médicales, il se spécialisa en médecine sportive et, en plongeur passionné, c’est tout naturellement qu’il s’orienta vers la médecine de plongée, pour laquelle il suivit des formations, notamment à Marseille.
De telles formations étaient rares et dans ces années ’80 et il n’y avait bien entendu aucun diplôme en la matière. Etant plongeur et médecin sportif, le Dr Vandenhoven vit passer dans son cabinet un grand nombre de plongeurs et candidats plongeurs, ce qui lui apporta une solide expérience.
Les responsabilités vinrent donc rapidement : président de la commission médicale de la FEBRAS (Fédération Belge Recherche et d’Activités Sous-marines), puis vice-président de la Société Belge de Médecine Hyperbare et Subaquatique, dont le Dr Michel Goldstein était président. Six mois après avoir accepté la vice-présidence de cette société, le Dr Vandenhoven en devint président, ce qu’il est toujours aujourd’hui, et qu’il a assumé tout en étant médecin et directeur de recherche au niveau international dans l’industrie pharmaceutique.
L’arrivée des enfants dans les clubs ouvre un nouveau champ de recherche
Le « virus » de la recherche, qui le hantait dans l’industrie pharmaceutique, contamina bientôt sa passion.
« Dans les années ’80-85 », explique-t-il, « la plongée des enfants a commencé. Un club s’est ouvert à Bruxelles en dehors de la Fédération, ce qui n’était en principe pas autorisé. Le président de la Fédération de l’époque a rapidement insisté pour que je m’en occupe sur le plan médical, pour améliorer les conditions et la sécurité de cette pratique, à laquelle s’adonnaient de plus en plus d’enfants, notamment des enfants de plongeurs. Un nouveau champ d’investigations s’ouvrait, dont on ne connaissait pratiquement rien. Car tout médecin sait que l’enfant n’est pas un adulte en miniature et que ce qu’on connaissait en médecine de plongée des adultes n’est pas nécessairement transposable à l’enfant ».
Le Docteur Vandenhoven a donc pris des contacts internationaux, notamment avec des collègues français, qui se trouvaient aussi face aux débuts de la pratique de la plongée enfants. Non seulement, il fallait organiser le contrôle médical de ces jeunes, mais il fallait aussi acquérir des connaissances adaptées, qui manquaient cruellement à l’époque.
Là aussi, notre médecin acquit rapidement une grande expérience et recueillit d’innombrables données qui, une fois publiées dans des revues scientifiques spécialisées, furent à la base d’importants progrès dans la conduite et le contrôle de la plongée des enfants. Elles firent aussi l’objet d’une présentation au congrès de l’ European Underwater and Baromedical Society (EUBS, Société européenne de médecine hyperbare et subaquatique. Elles ont aussi servi de base aux travaux de la LIFRAS (Ligue Francophone de Recherche et d’Activités Subaquatiques), de la NELOS (Nederlandstalige Liga voor Onderwateronderzoek en –Sport) et de la Fédération mondiale, la CMAS.
Une histoire de vieux caisson
Toute cette expérience, ses publications et sa propre pratique sportive valurent à Guy Vandenhovend’être appelé très régulièrement à l’étranger pour donner des formations aux médecins, aux entraîneurs et aux techniciens de la plongée. Il a donc parcouru le monde pour partager ses connaissances.
Il ne s’agissait pas seulement de l’apprentissage d’une plongée en toute sécurité mais aussi de la gestion médicale des accidents de plongée. Et cela peut aller jusqu’à l’aide aux professionnels de la plongée.
« Au Cap Vert, par exemple, de nombreux pêcheurs-plongeurs professionnels exercent leur métier par nécessité mais dans des conditions très périlleuses. Les accidents sont fréquents, avec des séquelles non négligeables quand la victime survit. Je m’en suis aperçu lors d’un séjour pour réunions scientifiques de médecine subaquatique“.
“En participant à quelques plongées loisirs, j’ai pu retrouver sur place un caisson de décompression non utilisé. Le projet de le faire remettre en état et de proposer un programme de formation pour techniciens de caisson a immédiatement vu le jour. L’espoir était de mieux secourir les victimes d’accidents mais je ne sais pas ce qu’il en est advenu dans la réalité ».
Des requins en Polynésie et des baleines à la Réunion
Guy Vandenhoven n’oubliait pas, malgré ses nombreuses activités professionnelles, de s’adonner lui-même à sa passion.
« J’ai plongé un peu partout », dit-il, « et chaque plongée est un moment intense de découverte et d’émotion. J’ai vu de près les requins en Polynésie et les baleines à bosse à la Réunion. C’est très impressionnant de voir ainsi une mère avec son baleineau. J’ai aussi participé au début de la plongée sur épaves de bateaux dans la Manche. J’ai même pu rencontrer l’ancien capitaine d’un de ces bateaux . Il y a eu plusieurs plongées en carrière et même dans les grottes de Han, où j’apportais une aide technique en archéologie subaquatique ».
Mais il y a aussi des moments de stress intense.
« Je me souviens d’une de mes premières plongées en Bretagne, dans laquelle j’admirais avec un collègue très expérimenté un site de coquilles Saint-Jacques. A la remontée, la mer était déchaînée. J’ai regagné le bateau seul, ce que je n’aurais pas dû faire. Mon compagnon de plongée et chef de planquée s’est trouvé en difficulté et il a fallu aller le repêcher avec un zodiaque. Une autre fois, en Egypte, deux jours après ce massacre qui a fait tant de bruit il y a quelques années, nous avons été obligés de rester sur le bateau de plongée pendant tout un temps puis la police égyptienne nous a escortés vers l’aéroport. Et le lendemain d’un séjour de plongée sur île de Sipadan en Malaisie, une bande de pirates du groupe islamiste radical Abu Sayyaf capturait et tenait en otage pendant quelque 115 jours les plongeurs de l’île de Jolo avoisinante.»
Science et humanisme
A chaque parole prononcée par le Dr Vandenhoven, on sent combien sa passion l’habite. Mais on se rend compte également qu’on se trouve devant un sage, qui ne perd pas de vue les consignes de prudence et consacre toute son énergie à les faire connaître par tous les pratiquants de la plongée. Le médecin s’avère être à la fois un scientifique de haut niveau et un altruiste actif. Il fait aussi partie, en tant que médecin, du Divers Alert Network (DAN), une organisation à but non lucratif portant assistance médicale à toute la communauté de plongeurs, menant des travaux de recherche significatifs sur la plongée loisir et améliorant la sécurité en plongée libre à travers le monde.