Dès lundi 20 mars 2023, rendez-vous à l’ULB pour le Festival du film scientifique de Bruxelles (FFSB). Les films et les documentaires à l’affiche raviront les curieux et les amateurs de sciences. « À travers cet événement, nous cherchons à sensibiliser le public à de nombreuses thématiques, depuis la physique à la géographie, en passant par la psychologie et la technologie », indique Sam Rush, une des organisatrices du festival, proposé depuis 2011 par le Cercle des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles.
Le film d’ouverture fera la part belle à « Notre Nature », une ode aux beautés naturelles de la Belgique. Mardi, avec « L’homme qui connaissait l’infini », ce sera l’histoire d’un mathématicien génial autant qu’incompris du siècle dernier qui sera à l’écran. Mais assurément, le coup de cœur de Daily Science, partenaire du Festival, va au documentaire français qui sera présenté mercredi: « Le Mystère de l’Homme de Denisova ».
Une nouvelle branche de la famille humaine
L’Homme de Denisova? « Cela commence avec la découverte d’une phalange dans la grotte de Denisova, dans l’Altaï, en Sibérie, il y a une dizaine d’années », explique Patrick Semal, paléoanthroplogue à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. « L’analyse de son ADN a montré qu’il n’appartenait ni à la lignée des Hommes modernes, ni à celle des Néandertaliens. Il s’agissait d’une nouvelle branche, jusqu’alors inconnue, de la famille humaine.»
Le documentaire de Guy Beauché retrace cette découverte extraordinaire. Il met aussi en avant les progrès de la recherche en paléogénétique, engrangés par le biologiste suédois Svante Pääbo à l’Institut Max Planck, à Leipzig (Allemagne), Prix Nobel de médecine ou de physiologie en 2022.
Une découverte sensationnelle
En 2008, un fragment de phalange âgé de 40.000 ans a donc été découvert dans la grotte de Denisova, dans le sud de la Sibérie. L’os contenait de l’ADN exceptionnellement bien conservé, que l’équipe de Svante Pääbo a séquencé.
Les résultats ont fait sensation : la séquence d’ADN était unique par rapport à toutes les séquences connues de l’homme de Néandertal et de l’Homme actuel. Un homininé inconnu jusqu’alors venait d’être découvert. Les scientifiques lui ont donné le nom de Denisova.
« Des comparaisons avec des séquences d’humains contemporains provenant de différentes régions du monde ont montré qu’un flux génétique s’était également produit entre Denisova et Homo sapiens. Cette relation a été observée pour la première fois dans les populations de Mélanésie et d’autres régions d’Asie du Sud-Est, où les individus portent jusqu’à 6 % d’ADN de Denisova », rappelait le comité Nobel.
Les découvertes de Pääbo ont permis de mieux comprendre l’histoire de notre évolution. À l’époque où Homo sapiens a migré hors d’Afrique, au moins deux populations d’homininés éteintes habitaient l’Eurasie. Les Néandertaliens vivaient dans l’ouest de ce continent, tandis que les Dénisoviens en peuplaient les parties orientales. Au cours de leur expansion hors d’Afrique et de leur migration vers l’est, les Homo sapiens ont rencontré et se sont croisés non seulement avec les Néandertaliens, mais aussi avec les Dénisoviens.
Paléogénomique et survie en haute altitude
Grâce à ses recherches révolutionnaires, Svante Pääbo a créé une discipline scientifique entièrement nouvelle, la paléogénomique. Après les découvertes initiales, son groupe a terminé l’analyse de plusieurs autres séquences génomiques d’hominidés éteints. Leurs découvertes ont permis d’établir une ressource unique, largement utilisée par la communauté scientifique pour mieux comprendre l’évolution et les migrations humaines.
De nouvelles méthodes puissantes d’analyse des séquences indiquent que des hominidés archaïques ont pu se mélanger à l’Homo sapiens en Afrique. Cependant, aucun génome d’hominidés éteints en Afrique n’a encore été séquencé en raison de la dégradation accélérée de l’ADN archaïque dans les climats tropicaux.
Grâce aux découvertes de Svante Pääbo, nous comprenons maintenant que les séquences génétiques archaïques de nos parents éteints influencent la physiologie des humains actuels. C’est le cas de la version dénisovienne du gène EPAS1, qui confère un avantage pour la survie en haute altitude et qui est commun chez les Tibétains actuels.