Série : Musées universitaires (4/5)
Des salles permanentes, des visites guidées, des catalogues, des séances de découverte dédiées aux groupes scolaires, des audioguides, des textes didactiques, mais aussi des événements, des expositions temporaires, des « nuits des musées »… Les musées universitaires sont ouverts à tous les publics, y compris, voire surtout, les publics non académiques. Et pour faciliter l’accès aux collections par le plus grand nombre, ils n’hésitent pas à mettre les petits plats dans les grands.
Dernier exemple en date en matière d’inclusivité : le musée de la médecine de l’ULB. Ici, pas question de garder les mains en poches. Le parcours intitulé « l’histoire de la Médecine au bout des doigts », inauguré en décembre 2024, invite les visiteurs à toucher.
Visites inclusives
« Bien sûr, ce ne sont pas des objets originaux, des momies, des vases funéraires, des amulettes et autres antiquités égyptiennes en vitrine qui sont mis à portée de doigts des visiteurs », lance Isabelle Simoes, la directrice du service éducatif du musée. « Ce que nous venons d’inaugurer est un parcours, une visite guidée au cours de laquelle, outre les explications données par le ou la guide, les visiteurs souffrant d’un déficit sensoriel sont amenés à manipuler des copies d’antiquités, des répliques d’objets en trois dimensions réalisées spécialement à cette fin. Il s’agit donc de « voir avec les doigts ». On l’a compris, le nouveau parcours s’adresse aux personnes souffrant d’un déficit visuel. « Mais aussi auditif ou intellectuel », précise Mme Simoes.
Le parcours inclusif proposé par le musée de la médecine se décline en trois cellules indépendantes, qui se suivent chronologiquement : l’Égypte ancienne, l’Antiquité classique et monde précolombien et, finalement, la période allant du Moyen-âge au début du XXe siècle.

Handicaps visuels, auditifs, intellectuels
Pour chaque cellule, un QRcode oriente le visiteur vers un parcours adapté à un type de situation de handicap : audiodescription pour le handicap visuel ; vidéos LSFB (langue des signes francophone de Belgique) pour le handicap auditif ; FALC (facile à lire et à comprendre) pour le handicap intellectuel. Des ambiances sonores ont été ajoutées pour rendre l’audio plus agréable à l’écoute.
« Chaque cellule est illustrée par des maquettes, des thermoformes, des reproductions 3D d’objets et des échantillons de matériaux qui peuvent être explorés tactilement. Deux fragrances spécialement conçues reprennent des recettes de baumes anciens pour un voyage olfactif », précise-t-on au musée.
Le papyrus d’Ani pour tous
« C’est l’association Eqla, partenaire du musée de la médecine pour l’élaboration de ce parcours inclusif, qui a réalisé les modèles en 3D », reprend Isabelle Simoes, en nous entraînant dans la section consacrée à la médecine de l’Égypte antique.
« Il a d’abord fallu choisir, puis simplifier, l’objet à présenter au public : la scène très célèbre de la pesée de l’âme d’un défunt qui souhaitait accéder à la vie éternelle. Elle est tirée du Papyrus d’Ani, qui est conservé au British Museum. »
« Au départ d’une vue générale qui permet de situer la scène par rapport aux autres éléments du papyrus nous avons développé trois parties différentes, en mettant en avant des éléments importants. Par exemple le dieu Anubis, à tête de chacal, qui est le maître de la balance.»

« Sur un plateau à gauche, il place le cœur du défunt. Sur l’autre, on voit la plume de Maât, la déesse de l’ordre et de la justice. Si la vie du défunt n’a pas été bonne, la balance penche du mauvais côté. Dans ce cas, son cœur est dévoré par le monstre Ammout, sorte de créature hybride composée d’une gueule de crocodile, de pattes avant et d’un corps de lion ainsi que d’un arrière-train et de pattes arrière d’hippopotame. »
Ecoutez la Dre Nathalie Nyst, coordinatrice du réseau des musées de l’ULB, parler des quatorze musées de l’Université libre de Bruxelles :
Lecteur audio
Attirer d’autres publics fragilisés
« Nous y avons indiqué différents types d’éléments en relief en utilisant différentes sortes de textures. Avec un second objet en relief, nous avons aussi voulu apporter un éclairage tactile sur les colliers de l’Égypte ancienne. Réservés à une certaine élite récompensée par le roi, ils comprennent plusieurs rangées de pierres : lapis lazzuli, tourmaline et turquoise, avec un rang final sous forme de gouttes en or. Cette représentation en relief met aussi en évidence un détail au niveau du maquillage. Ce qui nous permet d’aborder la question des fards autour des yeux, leur origine, leur signification. »
Ce souci d’inclusivité n’est, bien entendu, ni unique ni réservé au musée de la médecine. D’autres musées universitaires développent aussi des approches visant des publics divers. Pointons la Musée L à Louvain-la-Neuve. Ces derniers mois, il met l’accent sur l’accueil de publics dits ici « fragilisés ».
« Je pense qu’il est plus facile de faire entrer des publics fragilisés au musée quand nous proposons une exposition dont la thématique leur parle directement », souligne Élisa de Jacquier, directrice du Musée L. « C’est le cas avec notre exposition « Bienvenue », qui traitait de la migration. Pour y attirer les premiers concernés, nous avons travaillé en collaboration avec les associations d’accueil des réfugiés. »
Clairement, la démarche inclusive ne se limite pas à une simple question d’ascenseurs et de rampe d’accès aux salles d’exposition dans les musées universitaires.
NB 1. Cette enquête sur les musées universitaires a bénéficié du soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.
NB 2. Les illustrations qui émaillent cette série d’articles proviennent de l’application « Trezoors », réalisée dans le cadre de cette enquête. Trezoors est disponible gratuitement sur Apple Store et Google Play Store. (Voir notre article sur Trezoors)