Le Pr Vincent Blondel (à gauche) et le Pr Sébastien Van Bellegem sont les deux candidats recteurs de l'UCLouvain.
Le Pr Vincent Blondel (à gauche) et le Pr Sébastien Van Bellegem sont les deux candidats recteurs de l'UCLouvain. Photos UCLouvain.

UCLouvain: cinq questions aux candidats recteurs

17 avril 2019
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 7 minutes

La semaine prochaine, les membres du personnel académique, administratif, 
scientifique et les étudiants de l’Université catholique de Louvain (UCLouvain) vont élire leur futur recteur. Deux candidats se présentent: le Pr Vincent Blondel, Docteur en mathématiques appliquées et recteur de l’UCLouvain depuis 2014, ainsi que le Pr Sébastien Van Bellegem, Docteur en sciences statistiques et doyen de la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication de l’UCLouvain.

Daily Science a voulu savoir quels étaient les points de vue des deux candidats sur une série de cinq questions liées à la recherche ainsi que sur des perspectives qui dépassent le seul cadre de l’Université catholique de Louvain. Voici leurs regards croisés.

 

Six universités en Fédération Wallonie-Bruxelles: c’est trop ou c’est trop peu? 

Vincent Blondel : La Fédération Wallonie-Bruxelles compte six universités et près de 100.000 étudiants ; il faut certainement garder une diversité d’universités pour les accueillir. Dans leur ensemble, nos universités sont d’un excellent niveau, malgré leur sous-financement chronique. Aujourd’hui, les deux communautés universitaires de l’UCLouvain (31.000 étudiants) et de l’Université Saint-Louis Bruxelles (4.000 étudiants) ont marqué à plus de 90 % leur volonté de fusionner et sont de plus en plus unies dans des projets d’enseignement et de recherche. Je suis déterminé à faire aboutir cette fusion, aussi au nom de la liberté d’association qui est reconnue à d’autres établissements. L’UCLouvain défend la liberté d’association et, au-delà de ce projet spécifique, chaque institution doit pouvoir choisir librement son destin.

Sébastien Van Bellegem : Ce n’est pas anormal en comparaison d’autres régions du monde. Dans la deuxième moitié du XXe Siècle le nombre d’universités a plus que doublé en Europe et parallèlement les moyens pour la recherche ont également considérablement augmenté. Notre défi aujourd’hui est la coordination entre les universités. Dans d’autres régions, la convergence des universités permet une meilleure écoute du politique. À ce titre, l’échec de la fusion avec St Louis constitue un bilan douloureux car notre Alma Mater s’est aliéné des alliés de poids dans la défense de l’Université face aux pouvoirs subsidiants. Le sens de mon engagement est précisément de restaurer la confiance entre l’UCLouvain et les autres institutions afin que leur diversité amène une plus-value pour l’ensemble des chercheurs et étudiants, et pour mieux défendre les besoins des universités et des cliniques universitaires.

 

Tour d’ivoire ou service au citoyen: comment la recherche universitaire devrait-elle mieux percoler dans la sphère publique?

Sébastien Van Bellegem: Le mouvement d’après-guerre a ouvert l’université à la société. Nous formons des étudiants socialement plus diversifiés, sommes progressivement en lien plus étroit avec le tissu industriel et économique (via les politiques régionales par exemple). Le défi consiste à retourner la question, qui suggère que les connaissances sont produites dans un premier temps à l’université avant de percoler dans la société. Car la création de savoir est davantage circulaire que linéaire : la société, les services publics, les entreprises sont des sources de questions fondamentales qui peuvent nourrir la recherche à l’université. Pour remplir notre mission, nous devons nous doter de meilleurs outils pour organiser et valoriser le transfert dans les deux sens.

Vincent Blondel: La recherche universitaire nourrit nos enseignements pour former des personnes engagées dans la société de demain. L’UCLouvain offre une plateforme unique d’analyse scientifique des enjeux sociétaux pour alimenter les débats et contribuer à l’action citoyenne. La recherche peut contribuer à relever des défis comme le développement durable ou le vieillissement. Pour y répondre, l’UCLouvain soutient des projets interdisciplinaires et encourage les chercheurs et chercheuses à être en lien avec la société et à y diffuser leurs analyses et résultats. Mais la recherche doit aussi se développer sur le temps long, en particulier la recherche fondamentale. L’université doit rester un espace d’innovation et de créativité.

Publish or perish: le diktat des publications scientifiques est-il réellement bénéfique à la qualité de la recherche fondamentale?

Vincent Blondel: À l’UCLouvain, l’évaluation de la recherche est, et doit rester, avant tout qualitative. Nous ne demandons pas seulement aux chercheuses et chercheurs d’énumérer leurs publications, mais surtout de rendre compte de leurs travaux les plus représentatifs. Cette évaluation repose sur la prise en compte des formats très variés qui dépendent des disciplines et des traditions. À côté des articles dans les revues scientifiques, ces formats incluent, par exemple, des livres, des actes de congrès, des catalogues, des avis juridiques ou des brevets. Dans une société caractérisée par l’accélération du temps et la pression à la rentabilité, l’UCLouvain renforce les moyens qui permettent de développer une recherche de qualité, dans la collaboration et le respect de la diversité des objets, des méthodes et des approches pratiquées.

Sébastien Van Bellegem: La recherche fondamentale nécessite du soutien de façon continue et prolongée. Un recteur doit agir afin d’assurer des conditions de travail à ses chercheurs qui offrent du temps, des moyens en limitant la bureaucratie. Mon engagement pour l’UCLouvain va dans ce sens, puisque je propose de doter l’université de nouveaux moyens en fonds propres pour la recherche et de faciliter les processus administratifs. L’évaluation de la recherche se fonde davantage sur la qualité que sur la quantité. La publication n’est d’ailleurs pas la seule mesure d’activité scientifique crédible. Face à la variété de situations scientifiques, des critères de qualité a priori doivent être définis par domaine, qui tiennent compte du facteur temps.

L’actuelle mobilité exacerbée des chercheurs est-elle vraiment bonne pour l’avenir de la planète (science)?

Sébastien Van Bellegem: Depuis 800 ans la rencontre entre chercheurs est indissociable du travail. La possibilité de travailler quelques années dans d’autres lieux est également une richesse qui stimule la créativité et la motivation du chercheur. La mobilité a aussi ses excès, et il est en effet urgent de réfléchir et de prendre des mesures à l’université qui rendent cette mobilité soutenable, tant du point de vue de l’impact carbone que de l’inclusion sociale. Une politique d’égalité de genres dans le monde académique passe également par une réflexion sur la mobilité d’après thèse.

Vincent Blondel: La recherche se construit à travers les échanges et les collaborations. La mobilité des chercheuses et chercheurs est constitutive de la construction et de la validation des connaissances (dans les projets internationaux, dans les conférences, dans les thèses en cotutelle, etc.), mais cette mobilité peut prendre différentes formes. L’UCLouvain soutient le développement d’une mobilité qui peut aussi être virtuelle, aidée par les outils de visioconférence. Et quand la mobilité physique s’impose, elle doit être raisonnée : un jour à Sydney n’est pas un mois à Pékin. L’UCLouvain incite ses scientifiques à utiliser des modes de déplacement raisonnés et écoresponsables.

 

QS, Times Higher Education, Shanghai… Les universités ont-elles raison d’être obnubilées par ces rankings internationaux?

Vincent Blondel: L’UCLouvain ne porte que peu d’attention à sa place dans les rankings dont on connaît les biais. Durant mon rectorat, aucune décision n’a été guidée par les rankings. Par contre, beaucoup d’attention a été portée à offrir une expérience complète pour nos étudiantes et étudiants (sociale, culturelle, sportive, folklorique, etc.), ce que les rankings masquent totalement. Même si on ne peut ignorer leur existence, puisqu’ils conditionnent certains partenariats, ce ne sont pas les rankings qui conditionnent le choix de nos professeurs, notre stratégie de recherche ou de coopération internationale. Nous avons notre propre projet et tant mieux si la qualité de notre université, malgré un financement nettement inférieur à celui d’universités comparables, se reflète dans ces rankings.

Sébastien Van Bellegem: Non même si le coup d’œil que nous y jetons régulièrement est globalement gratifiant. Je suis plus inquiet de l’immense perte d’énergie que nous vivons par la complexification des procédures, tant en matière d’enseignement que de recherche. Mon souhait est là encore de travailler avec les autres universités afin de chercher à simplifier les aspects liés au parcours académique, aux demandes de financement et au reporting de la recherche. Ainsi, la tendance actuelle visant à ériger des outils tels que la Cross-Application Time Sheet en modèle de fonctionnement est préoccupante. Si nous voulons rester cohérents, il faut alléger. Voilà une source importante de moyens qui permet de dégager plus de temps et soutiendra notre positionnement global.


Note: Le nom du nouveau recteur de l’UCLouvain sera connu le 9 mai 2019 au plus tard. Son mandat sera d’une durée de cinq ans. Il débutera le 1er septembre 2019.

 

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