Phases de fabrication d'un chaudron tripode
Phases de fabrication d'un chaudron tripode

L’or des dinandiers brille toujours à Bouvignes

17 juillet 2014
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Série (4/5) / Archéo 2014

 

Sur les rives de la Meuse, en amont de Namur, les coups de marteau des batteurs de cuivre ne résonnent plus. Mais « l’or des dinandiers » ne cesse d’y briller ! Des découvertes archéologiques récentes faites tant à Dinant qu’à Bouvignes en attestent. A l’occasion de fouilles menées dans ces deux entités en 1994 et en 2009, plusieurs dizaines d’ateliers de fondeurs et de batteurs médiévaux ont effectivement été mis au jour.

 

Les résultats de ces fouilles font l’objet d’une belle exposition à la Maison du patrimoine médiéval mosan (MPMM) de Bouvignes. Baptisée « l’or des dinandiers », elle propose un regard sur plus de huit siècles d’une histoire marquée par le succès.

 

Aquamanile du XIIe siècle et bassin de laiton rouge du XVe mis en forme par martelage, gravé et incisé d'un décor de griffons. © CDB
Aquamanile du XIIe siècle et bassin de laiton rouge du XVe mis en forme par martelage, gravé et incisé d’un décor de griffons. © CDB

« De quoi rappeler que la dinanderie était vivace dans la région dès le 11e siècle », précise Claire-Marie Vandermensbrugghe, directrice et conservatrice de la Maison du patrimoine médiéval mosan (MPMM) à Bouvignes. « Et cette activité a perduré jusqu’au 20e siècle ».

 

Pour faire du laiton, matière première des dinandiers, il faut du cuivre et du zinc: deux minerais qui n’existent pas à Bouvignes et à Dinant. Comment expliquer dès lors l’intense activité de dinanderie dans la région?

 

Un atout parmi d’autres : la présence importante de « derle »

 

« Outre le minerai qui arrivait d’Allemagne et de Suède pour le cuivre et de la Calamine pour le zinc, il faut aussi du combustible pour fabriquer cet alliage et de la derle, une terre malléable et réfractaire pour façonner les moules et les creusets nécessaires aux coulées », explique la conservatrice des lieux. Et ces deux dernières richesses étaient bien présentes à Bouvignes comme à Dinant. Le charbon de bois était disponible en quantité grâce aux forêts de même que la derle, cette terre blanche très présente dans la région qui résiste à des températures de 1200 degrés.

 

Les ingrédients étant disponibles, il reste à trouver les artisans capables de transformer le laiton en objets précieux ou populaires. Le savoir-faire local s’est donc développé au point de devenir une référence internationale. En y couplant un certain sens des affaires, la dinanderie a pu rayonner dans une bonne partie de l’Europe occidentale avant de voir ses bougeoirs et ses chaudrons être détrônés par l’arrivée de nouveaux alliages métalliques.

 

Jean Josès, maître fondeur du 14e siècle

 

La dinanderie, c’est une production de masse axée sur les objets du quotidien, comme ces chaudrons ou ces pots à trépied utilisés pour faire chauffer de l’eau sur des lits de braises ou pendus à la crémaillère. C’est également une production de pièces plus prestigieuses, réalisées à la commande par des artistes de renom, tel ce chandelier pascal de quasi deux mètres de haut destiné à l’église de Tongres et signé Jean Josès, maître fondeur à Dinant au 14e siècle. Cette imposante pièce est de retour à Bouvignes, le temps de l’exposition.

 

Ecoutez Claire-Marie Vandermensbrugghe détailler le contenu de la salle présentant la dualité de la production de dinanderie à Bouvignes.

L’exposition, organisée à l’occasion des 25 années d’archéologie wallonne,  présente d’autres belles pièces issues des collections de divers musées ainsi que des richesses du service d’archéologie de la Région wallonne.

 

Mise en œuvre exceptionnelle de la dinanderie avec cette clé reliquaire de Saint Hubert en deux parties, du 12e et du 17 siecle. © CDB
Mise en œuvre exceptionnelle de la dinanderie avec cette clé reliquaire de Saint Hubert en deux parties, du 12e et du 17e siècles. © CDB

Elle s’articule en trois tableaux. Le premier s’attarde à la situation géographique des ateliers d’artisans et des échanges commerciaux avec l’extérieur. Le second détaille les diverses productions d’objets en laiton. Vient ensuite une étude des techniques utilisées par des générations de fondeurs et de batteurs.

 

Une quatrième petite salle s’interroge sur la présence d’autant d’ateliers rivaux à Bouvignes et à Dinant, deux entités distantes d’une poignée de kilomètres à peine. Pourquoi deux sites si proches se sont-ils ainsi fait concurrence en ce qui concerne cette métallurgie et une même production de masse? « Sans doute pour des questions de rivalités », souligne Claire-Marie Vandermensbrugghe. Avant d’être reprise par le Duc de Bourgogne, Bouvignes dépendait du Comté de Namur tandis que Dinant relevait de la Principauté de Liège.

 

 

Deux expositions complémentaires

 

L’exposition « L’or des dinandiers » est visible jusqu’à la mi-novembre, à la maison du patrimoine médiéval mosan de Bouvignes. Elle est complétée par une seconde exposition à l’église du village. Celle-ci est consacrée à la dinanderie liturgique mosane.

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