Série : Spécialisation intelligente en Wallonie (2/6)
Les protéines, et leurs acides aminés, sont indispensables à la vie. Elles forment le principal constituant de nos cellules. Notre organisme en a besoin pour fonctionner, pour entretenir et régénérer les tissus, pour grandir.
« Une grande fraction des protéines que nous ingérons provient de la viande », explique le Docteur en chimie Stéphane Kohnen. « Avec l’initiative d’innovation stratégique (IIS) Protewin, notre objectif est de remplacer une partie de ces protéines animales de notre alimentation par des protéines végétales et alternatives. » Le scientifique coordonne depuis le début de cette année l’Initiative d’innovation stratégique Protewin. Une IIS qui relève du Domaine d’innovation stratégique « Chaînes agro-alimentaires du futur et la gestion innovante de l’environnement » (DIS 5) de la stratégie S3.
« Cette IIS vise aussi, voire surtout, à assurer à terme l’indépendance protéique de la Région Wallonne », précise-t-il. Comment ? « En accélérant le développement de la filière des protéines végétales et alternatives, et en élaborant de nouvelles solutions technologiques pour l’ensemble des industriels du secteur. »
Multiplier et diversifier les sources d’approvisionnement
Les défis à relever sont à la hauteur des ambitions. « Et ce, tout d’abord, du côté des fabricants de tels produits et des producteurs de protéines », souligne celui qui a aidé ces dernières années au développement de nouvelles technologies innovantes et économes en énergie pour l’extraction de molécules d’intérêt au sein du Celabor, un des Centres de recherche agréés de Wallonie.
Les partenaires réunis autour de l’initiative Protewin travaillent donc en partie sur les matières premières dont on compte extraire des protéines. Cela passe par des cultures spécifiques ou par l’utilisation de coproduits végétaux valorisables sous forme de protéines. On pense, par exemple, aux tourteaux d’oléagineux comme le colza. Ou encore aux insectes, aux micro-algues telle la spiruline. D’autres sources demandent aussi à être explorées.
« L’idée est de dresser dans un premier temps une cartographie de ce qui est déjà disponible en Wallonie et des possibilités d’alternatives », reprend Stéphane Kohnen.
Mimer de la viande ou innover dans la présentation des aliments ?
Au sein de cette Initiative, les partenaires s’intéressent aussi aux techniques d’extraction et au fractionnement des matières premières. Dans ce domaine, les innovations potentielles sont nombreuses. Un exemple ? La production de protéines au départ de micro-organismes par fermentation pourrait déboucher sur des composés aux propriétés ciblées. De quoi améliorer la qualité nutritionnelle et sensorielle des produits finis.
« Quand on remplace des protéines animales par des protéines végétales, cela pose évidemment la question de l’apparence, de la texture et du goût de ce qui se retrouvera au final dans l’assiette du consommateur », souligne le chimiste du Celabor. « Cela a-t-il du sens de fabriquer une copie de steak avec des protéines végétales ? Ne vaut-il pas mieux imaginer d’autres formes d’aliments, plus séduisantes pour les consommateurs ? »
Ici aussi, un groupe de travail de Protewin planche sur la question. Le développement de produits alimentaires innovants dopés aux protéines intéresse notamment le Smart Gastronomy Lab de l’Université de Liège. « L’approche des produits est quelque chose de très important quand on travaille sur des substituts. La question centrale étant : faut-il privilégier des produits mimétiques ou plutôt innover ? La réponse est limpide : place à l’innovation! Ceci afin de mieux emporter au final l’adhésion du consommateur.
« Le défi de l’innovation est, dans ce contexte, particulièrement important. On part d’une page blanche, où tout est à créer, sans préjugés », estime le Dr Kohnen.
Un nutriscore protéiné pour mieux informer le consommateur
En parallèle, se pose aussi la question des technologies à mettre en œuvre pour produire ou préparer ces aliments spécifiques. Cela doit-il se faire au niveau des industries ? Ou plutôt dans la cuisine des consommateurs grâce à des technologies disruptives ? Ceci contraint les produits finaux à élaborer.
Toujours concernant les consommateurs, les membres de l’IIS imaginent aussi la création d’une sorte de nutriscore adapté aux protéines alternatives. « Il est nécessaire d’apporter une information utile sur ces nouveaux produits afin de ne pas mener à des déséquilibres alimentaires », souligne le coordinateur de Protewin.
Ces diverses questions mobilisent les membres de l’IIS. Ils sont issus de toute la chaîne de valeur du domaine : association d’agriculteurs, premiers transformateurs, créateurs d’ingrédients, chercheurs universitaires, centres de recherche, deuxièmes transformateurs (ceux qui élaborent les produits finis) et, enfin, les distributeurs.
« Et pourquoi pas aussi accueillir des associations de consommateurs », suggère Dr Kohnen. « Parce qu’au-delà des défis techniques, la question de l’acceptabilité de ces protéines innovantes est elle aussi centrale dans ce domaine », conclut-il.