Photo de Mercure de la sonde MESSENGER en décembre 2009 © NASA - Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory -Carnegie

Mercure, joyau insoupçonné du Système solaire

17 décembre 2024
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Ne vous laissez pas tromper par son apparence sombre et grise : la planète Mercure pourrait bien dissimuler sous sa surface une formation de plusieurs kilomètres de diamant. C’est en tout cas ce que pense une équipe de scientifiques, incluant le Pr Bernard Charlier, chercheur qualifié FNRS au sein du département de géologie de l’ULiège.

Dans une publication récente, les auteurs révèlent, par des expériences en laboratoire, la possibilité que le carbone présent dans les profondeurs de Mercure se cristallise en diamant. Formant ainsi entre le noyau et le manteau une couche de plus en plus épaisse au fil du temps.

Un noyau qui façonne du diamant

Grâce aux données recueillies par la mission spatiale américaine MESSENGER, qui a sondé Mercure de 2011 à 2015, les scientifiques ont pu confirmer que cette planète abrite un grand noyau de fer partiellement liquide, en cours de refroidissement. Par ailleurs, les données semblent indiquer que ce noyau métallique contiendrait aussi du silicium, du soufre et du carbone en quantité.

« Dans le cadre de cette étude, on a postulé que ce carbone pourrait se transformer en diamant à mesure que le noyau se refroidit et se solidifie, et s’accumuler à la frontière entre le noyau et le manteau », indique le Pr Charlier. De fait, sous des conditions particulières de pression et de température, le carbone se cristallise en diamant. Selon les chercheurs, la présence de soufre à l’intérieur de Mercure pourrait favoriser sa formation, au lieu d’autres minéraux comme le graphite, en réduisant la température du magma.

Les différences entre la Terre et Mercure © Réflexions ULiège

Des conditions extrêmes au labo

Pour vérifier ces hypothèses, les chercheurs ont utilisé la pétrologie expérimentale. « Elle consiste à reconstituer en laboratoire les conditions de hautes pressions et de hautes températures à l’intérieur d’une planète », explique le Pr Charlier. « On utilise pour cela des presses hydrauliques combinées à des éléments chauffants. On peut ainsi atteindre des pressions de plusieurs gigapascals et des températures comprises entre 2000 et 2500 degrés, en fonction des équipements utilisés. »

Les tests, menés en 2023 au Centre de Recherche Avancée en Science et Technologie des Hautes Pressions (Chine), visaient dans ce cas-ci à reproduire les conditions entre le noyau et le manteau de Mercure (à environ 600 km sous la surface). Et ce, en vue de déterminer le champ de stabilité du diamant à ces profondeurs.

Concrètement, les chercheurs ont mélangé différentes poudres d’oxydes et ajouté du soufre et du carbone pour imiter la composition chimique interne de Mercure. Ces réactifs ont ensuite été chauffés et mis sous pression dans la presse. Les produits obtenus, similaires à de petites billes, ont finalement été analysés pour étudier leurs propriétés.

Surface de Mercure lors d’un survol du vaisseau BepiColombo en juin 2022 © ESA-BepiColombo-MTM

Des données plus précises grâce à BepiColombo

Conclusion ? Il est très probable que du diamant soit formé à partir du noyau de Mercure et piégé entre celui-ci et le manteau. Les expériences ont également démontré que le soufre joue un rôle dans la stabilisation de la formation de ce minéral.

« On emploie le terme ‘probable’, car les données géophysiques fournies par MESSENGER permettent seulement de définir une gamme de pressions pour la limite manteau-noyau, et non une valeur absolue », précise le Pr Charlier. « On pourra néanmoins affiner nos résultats quand on disposera de données plus précises avec la mission BepiColombo. »

Le vaisseau spatial, actuellement en route vers Mercure, embarque avec lui deux sondes qui se placeront en orbite d’ici novembre 2026. Elles emportent conjointement 16 instruments destinés à étudier la planète sous toutes ses coutures. « L’instrument MERTIS (mercury radiometer and thermal infrared spectrometer), notamment, permettra d’en savoir plus sur sa minéralogie », souligne le chercheur.

Certains instruments, dont MERTIS, ont fourni des premières données lors d’un survol de la planète le 1ᵉʳ décembre 2024.

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