Le fétiche à clous Nkisi Nkonde, pièce spoliée © Christian Du Brulle

42.000 objets culturels congolais de l’AfricaMuseum susceptibles de restitution

18 février 2022
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

L’inventaire complet des pièces ethnographiques et organologiques congolaises conservées à l’AfricaMuseum de Tervueren, un des établissements scientifiques fédéraux, a été finalisé. Il comprend quelque 84.000 pièces, dont des masques, des statuettes, des sculptures, des instruments de musique, des parures…

« Cet inventaire exhaustif, initié par le précédent gouvernement belge, a été remis ce jeudi 17 février 2022 au gouvernement congolais (RDC), dans un souci de grande transparence », explique le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD). Lors d’une courte cérémonie organisée dans les murs du musée, celui-ci a remis un épais document ainsi qu’un disque dur reprenant l’entièreté de cet inventaire au Premier ministre congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, en visite à Bruxelles dans le cadre du sommet Union européenne-Union Africaine.

Des recherches de provenance

« Il s’agit ici d’une étape dans notre démarche plus globale qui vise à restituer au Congo des biens culturels qui auraient été acquis de manière illégitime durant la période de l’État indépendant du Congo (alors propriété privée du roi Léopold II), entre 1885 et 1908, et la période coloniale », précise Thomas Dermine, le Secrétaire d’État en charge de la Politique scientifique fédérale (PS).

« Cela ne signifie pas pour autant que tous les objets de cet inventaire soient d’origine douteuse. Nous estimons que, globalement, 50% des objets culturels congolais présents dans les collections de l’AfricaMuseum sont au-dessus de tout soupçon, 10% pourraient avoir été acquis de manière illégitime tandis que 40% se situent dans une zone grise qu’il convient d’éclaircir », poursuit-il.

A la grosse louche, 42.000 pièces sont susceptibles de faire l’objet de recherches approfondies communes entre les deux pays en vue de déterminer leur provenance exacte. Et, d’envisager leur restitution si la demande est formulée par les autorités congolaises. Les saisines se feront au cas par cas, de gouvernement à gouvernement.

Un avant-projet de loi au Conseil d’État

Depuis 2020, le musée avait lancé une réflexion sur la question des restitutions. L’été dernier, la volonté de la Belgique d’aller de l’avant dans cette dynamique de restitution de biens culturels africains spoliés avait connu un coup d’accélérateur avec une double initiative gouvernementale.

Voici deux semaines, le gouvernement belge avait franchi une étape supplémentaire dans ce dossier. Le 28 janvier, le Conseil des ministres a approuvé un avant-projet de loi reconnaissant le caractère aliénable des biens liés au passé colonial de l’État belge et déterminant un cadre juridique pour leur restitution. L’avant-projet de loi est actuellement à l’étude auprès du Conseil d’État.

L’inventaire des objets du musée provenant de la République Démocratique du Congo dont il est ici question concerne exclusivement les objets culturels. Depuis plusieurs mois, le musée propose à ces visiteurs de découvrir quelques objets entrant dans cette catégorie. Ceci est mis en évidence dans le parcours de provenance de l’exposition permanente. Ce parcours comprend davantage de contexte et d’informations sur l’origine des objets présentés.

Le fétiche à clous Nkisi Nkonde

Jean-Michel Sama Lukonde, Alexander De Croo et Thomas Dermine ont pu découvrir un exemple de pièce spoliée. Il s’agit de la statue Nkisi Nkonde. Après une recherche de provenance longue et approfondie, le contexte violent dans lequel cette sculpture a été amenée en Belgique est désormais connu. La statue relève de la catégorie « biens culturels spoliés ». Elle a été subtilisée à un chef congolais de la région de Boma lors d’une attaque armée en 1878.

Les collections de l’AfricaMuseum ne se limitent pas aux seuls objets culturels congolais. Outre les collections de roches et de minéraux, mais également d’échantillons de bois, on dénombre plus de 10 millions de spécimens biologiques. Ou encore les quelque 30.000 précieuses cartes géologiques et géographiques et des photographies aériennes qui ont servi à les dresser.

Sans parler des recherches actuelles, notamment en ichtyologie, avec la présence à Tervuren de deux post-doctorants de l’Université de Lubumbashi. Ou encore les quelque 25 doctorats en cours supervisés par les chercheurs de l’AfricaMuseum dans divers pays africains.

Haut depage