Mieux comprendre la qualité de vie après un cancer

18 mars 2024
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Douleurs, anxiété, dépression, fatigue, sommeil rare, difficultés cognitives. De nombreux symptômes accompagnent les traitements contre le cancer. Et se poursuivent lors de la rémission. Généralement, ces symptômes sont considérés et traités indépendamment l’un de l’autre. Pourtant, on sait qu’ils s’entretiennent l’un l’autre. Avec le soutien financier du Télévie, et en collaboration avec le service d’oncologie médicale du CHU de Liège, Dre Charlotte Grégoire, chercheuse au sein du laboratoire Sensation and Perception Research Group (Université de Liège), veut investiguer une nouvelle approche : les analyses en réseau.

Celles-ci consistent à explorer les relations entre les différents symptômes, à déterminer l’intensité des liens qui les unissent et à identifier le symptôme central, celui qui pourrait représenter une cible de choix pour affaiblir tous les autres. A terme, cette démarche devrait permettre de développer des interventions davantage personnalisées pour améliorer le bien-être après un cancer.

Comparer les symptômes et les liens qui les unissent

Les analyses en réseau, si elles ont déjà trouvé de l’intérêt dans d’autres disciplines médicales, sont nouvelles en psycho-oncologie. « Elles vont nous permettre de représenter de façon graphique et dynamique les clusters de symptômes. Chaque symptôme est désigné par un rond et est relié à d’autres symptômes par des lignes selon un code couleur mettant en exergue l’intensité de leur relation », explique Dre Grégoire.

Avant d’insister et de préciser : « Attention qu’il ne s’agit pas de mettre en évidence des liens causaux, mais des corrélations. C’est-à-dire que l’on constate un lien entre deux symptômes, mais sans en connaître la raison profonde. »

« Cela n’empêche, les analyses en réseau permettent de comparer les relations entre symptômes chez des personnes ayant souffert d’un cancer différent, mais aussi au fil du temps. En effet, on remarque que ces symptômes évoluent dans le temps, de même que les relations qui les unissent. »

Une cible de choix

« Ces analyses permettent aussi de déterminer ce qu’on appelle un « core symptom ». Les théories qui sous-tendent ces analyses en réseau désignent ce symptôme central comme celui qui a le plus de relations et les liens les plus forts avec les autres symptômes du réseau. » Autrement dit, il représenterait une cible de traitement à privilégier.

« Même si on ne comprend pas bien la raison des liens que ce symptôme tisse avec d’autres, on peut espérer qu’en le visant, cela impactera, par effet domino, tout le cluster. Et donc réduira certains, voire tous les symptômes qui lui sont liés », poursuit Charlotte Grégoire.

« Les résultats de l’étude devraient permettre de développer des interventions plus rentables, davantage « cost-effective ». C’est-à-dire qui seront plus efficaces plus rapidement, car davantage personnalisées. »

Deux cancers fréquents

Cette étude ne vise que les personnes ayant été traitées pour un cancer du sein ou un cancer digestif. Cette restriction est due à une difficulté d’accès à des registres globaux, notamment en raison de la législation RGPD. Elle est également liée au temps et au financement disponibles pour mener ce travail d’investigation. Mais aussi à la prévalence de ces deux types de cancer dans la population belge.

« Nous avons choisi les cancers du sein, car ils sont surreprésentés dans la littérature : cela nous permettra de comparer nos résultats avec d’autres. De plus, ce type de cancer étant le plus fréquent chez les femmes, il nous sera plus aisé de recruter des candidates à notre étude. En outre, les femmes ayant souffert d’un cancer du sein sont en général assez promptes à participer à des études. »

« Concernant les cancers digestifs, ils constituent la deuxième famille à laquelle cette étude s’intéresse. On s’attend à avoir une large proportion de cancers colorectaux, car ils sont les plus fréquents dans la population générale. »

Deux cohortes à construire

Afin de mener à bien cette étude pionnière, la chercheuse lance un appel pour recruter environ 500 personnes, femmes ou hommes, ayant souffert d’un cancer du sein ou d’un cancer digestif. Et dont le traitement curatif (chirurgie et/ou radiothérapie et/ou chimiothérapie) est achevé depuis maximum 5 ans. A noter qu’un traitement à prendre quotidiennement sous forme de cachets d’hormonothérapie ou d’immunothérapie permet tout à fait d’inclure la cohorte. De même que la chirurgie reconstructrice.

Les personnes intéressées peuvent s’inscrire et répondre à son questionnaire en ligne. Cela prend une vingtaine de minutes. Il s’agira par la suite d’y répondre à nouveau 6, 12 et 24 mois plus tard.

A noter toutefois que, dans un souci d’observer une population la plus similaire possible, seules les personnes dont c’est le premier cancer, et qui ne présentent pas de métastases, seront incluses dans les cohortes. « En effet, l’état psychologique d’un patient en rémission est généralement très différent d’un autre qui sait qu’il a des métastases ou qui sort de son deuxième ou troisième cancer », conclut Dre Charlotte Grégoire.

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