SERIE (3/6) « Made in WBI »
Les scientifiques de Wallonie et de Bruxelles ont le cerveau qui bouillonne et des fourmis dans les jambes. Résultat : ils exercent leur passion pour la recherche aux quatre coins de la planète.
Quand la journée démarre en Belgique, elle touche à sa fin en Australie. « Il y a en effet huit heures de décalage entre Bruxelles et Sydney », précise le Dr Sylvie Nozaradan. Ce médecin, docteure en neurosciences cognitives de l’Université catholique de Louvain (UCL), jongle avec cette différence horaire depuis plus d’un an.
« Je suis arrivée en postdoctorat à la Western University en 2016 », explique-t-elle. Une étape importante dans sa carrière scientifique. À Sydney, elle développe son expertise en neurosciences tout en dirigeant un groupe de recherche spécialisé. Une opportunité donnée par le gouvernement australien à travers un système de financement ambitieux, mais aussi grâce à une bourse de Wallonie-Bruxelles International, qui lui a permis de gagner l’Australie alors qu’elle avait entamé un postdoctorat en Belgique.
La cognition musicale et l’action
« Les bourses du Conseil australien de la recherche permettent de jeter des ponts entre le postdoctorat et le développement d’un leadership scientifique », précise la scientifique. « Cela m’a donné l’occasion de développer ma propre équipe de recherche au sein de l’Institut MARCS, un Centre de recherche sur le cerveau, le comportement et le développement. Et de la diriger avec une relative indépendance! »
Son équipe de recherche s’intéresse à la cognition musicale et l’action. « Cela concerne tout ce qui touche au comportement musical, à la communication à travers la musique, à la synchronisation interpersonnelle à travers la musique », précise la scientifique.
Du conservatoire à la faculté de médecine de l’UCL
Étonnant cette voie musicale pour un médecin ? « En réalité, j’ai eu un parcours académique relativement atypique », concède Sylvie Nozaradan. « J’adore la musique. C’est ce qui explique que j’avais commencé mes études supérieures au Conservatoire de Bruxelles, en piano ».
Très vite, la question de la perception de la musique m’a captivée. Je me suis alors dit qu’une formation médicale devait pouvoir m’aider à répondre à ces questions. À mi-parcours de ma formation au Conservatoire, j’ai donc entamé en parallèle des études de médecine à l’UCL. Au cours de celles-ci, j’ai eu l’occasion d’approcher la recherche en neurosciences comme « étudiant-chercheur ». Cela m’a immédiatement parlé. »
Au terme de « ses » études, Sylvie Nozaradan s’oriente délibérément vers la recherche. « Comme étudiant-chercheur, j’ai découvert ce que recouvre la recherche en neurosciences. Les neurosciences peuvent être utilisées comme outils. C’était le cas à ce moment-là. De fil en aiguille, après mes études, cela a toutefois débouché sur un doctorat plutôt orienté vers les neurosciences cognitives. J’ai eu la chance de pouvoir réaliser ce doctorat à l’UCL et à l’Université de Montréal, en cotutelle entre les deux universités ».
Bruxelles-Montréal pour approfondir la perception musicale
« À Montréal, mon doctorat s’est notamment déroulé au BRAMS, le Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son. Un séjour intéressant. Ce champ de recherche sur la perception de la musique est en plein développement, notamment au Canada où on s’y intéresse depuis plusieurs dizaines d’années ».
Ma thèse portait sur la perception des rythmes musicaux et la synchronisation du corps aux rythmes musicaux. Le sujet est relativement neuf. Il est aussi prodigieusement intéressant en ce sens qu’il mène à toute une série d’embranchements : que ce soit en neurosciences cognitives ou en neurosciences dures. Un sujet qui lie aussi étroitement le monde de la musique, les professionnels de la musique, des questions d’anthropologie, la médecine. On touche ici à un matériel qui est culturel par définition. Cela en fait toute la richesse. D’autant que la croisée de ces multiples domaines laisse entrevoir toute une série d’applications médicales, en rééducation au mouvement…
Une heure de piano quotidienne pour nourrir la recherche
Au terme de sa thèse, le Dr Nozaradan entame un postdoctorat à l’UCL, avant de filer à Sydney. « Un séjour définitif? Je ne pense pas, dit la scientifique. J’aime développer mes compétences dans le domaine qui m’intéresse et c’est actuellement le cas en Australie. J’envisage cependant de revenir en Belgique, dans un an, pour un poste de professeur dans une université ».
Et le piano? « J’essaie de jouer tous les jours », indique encore le Dr Nozaradan. « Mais pas de manière professionnelle. Bien sûr. Je consacre le plus clair de mon temps à ma recherche. J’aime aussi jouer, surtout en compagnie d’autres musiciens. J’essaie donc de me mettre pendant une heure, chaque jour, devant mon clavier. Cela fait aussi partie de ma vie. Et en plus, cela me donne énormément d’idées pour mes activités de recherche… »