Le Pr Laurent Bavay (ULB) à Louxor, en 2013, dans la tombe de Sennefer.
Le Pr Laurent Bavay (ULB) à Louxor, en 2013, dans la tombe de Sennefer.

Laurent Bavay (ULB), nouveau directeur de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire

18 septembre 2015
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 6 minutes

Laurent Bavay (ULB) est un archéologue comblé. Il est aussi, et on ne le soupçonne sans doute pas, un des égyptologues les plus en vue du moment. Depuis le 3 juin dernier et le décret signé par le Président français François Hollande, le scientifique belge est devenu le nouveau directeur de l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) au Caire (Egypte). Une première dans l’histoire de cette institution fondée en 1880. Laurent Bavay est en effet le premier « non-français » à se voir confier la direction de cette prestigieuse institution. Pour un égyptologue francophone, on ne peut rêver plus beau parcours!

 

Temple de la mémoire archéologique française

 

« L’IFAO est un des sept instituts archéologiques étrangers implantés de manière permanente au Caire », souligne l’archéologue bruxellois. « C’est aussi l’établissement français de recherche le plus important en Egypte. Une centaine de personnes y travaillent. Des scientifiques, bien sûr, mais aussi des techniciens et du personnel administratif qui assurent le bon déroulement de plus de 60 programmes de recherche dans le pays, dont 25 chantiers de fouilles».

 

Impressionnant? Sans doute. L’importance de cet Institut saute davantage encore aux yeux quand on sait que sa bibliothèque d’égyptologie compte parmi les plus importantes au monde, que ses archives conservent une large part de la mémoire archéologique française en Egypte, qu’il possède sa propre imprimerie et qu’il abrite l’unique laboratoire de datation au carbone 14 du pays. L’IFAO fait partie d’un réseau de cinq Écoles françaises à l’étranger dépendant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avec les Écoles françaises d’Athènes, de Rome, la Casa de Velázquez à Madrid et l’École française d’Extrême-Orient.

 

Le chercheur belge aux 40 campagnes de fouille en Égypte

 

Pr Laurent Bavay, Louxor, Campagne belge de janvier 2015.
Pr Laurent Bavay, Louxor, Campagne belge de janvier 2015.

Comment le scientifique belge, qui a participé ou dirigé plus de 40 campagnes de fouille en Égypte,  a-t-il pu accéder à la tête de cette prestigieuse institution?

 

« L’égyptologie francophone est un petit milieu », constate le scientifique. « Nous nous connaissons tous et nous entretenons de multiples collaborations. Au fil des congrès, des campagnes de terrain (il a participé à plus de 40 campagnes de fouille en Égypte, notamment à Louxor où il dirige une mission belge et y a découvert en 2013 une nouvelle pyramide…), nous échangeons beaucoup avec nos collègues.”

Ecoutez le Pr Bavay expliquer pourquoi il s’est porté candidat à la direction de l’IFAO

« Le poste de direction de l’Institut français d’archéologie orientale au Caire est un mandat de quatre ans. Il a été ouvert en début d’année par une publication au Journal Officiel (français). J’y avais réfléchi. J’ai présenté ma candidature. La sélection et les entretiens par une commission d’éminents spécialistes, académiciens, professeurs, chercheurs, m’ont été favorables. Cette commission de sélection a soumis mon nom à la Ministre qui l’a ensuite proposé au Président, lequel a avalisé ce choix. Je devais être la bonne personne, avec le bon profil et les compétences recherchées », dit-il, modestement.

 

Voilà pour la procédure. Quant aux raisons qui ont poussé Laurent Bavay à déposer sa candidature, elles sont bien entendu très… personnelles.

 

« Je collabore avec l’IFAO depuis 1995 et la fin de mes études à l’ULB », reprend-il. « J’ai en partie été formé à l’IFAO, et beaucoup de jeunes chercheurs qui ont partagé ces séjours au Caire occupent aujourd’hui des charges de professeurs d’université en France ou dirigent des institutions importantes, comme le Centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak. Pour un égyptologue, c’est une forme de formidable aboutissement ».

 

Le moment idéal après deux mandats de direction du CReA-Patrimoine à l’ULB

 

« Cette fonction représente de nouveaux défis, l’opportunité unique de participer au pilotage de la recherche scientifique. Par ailleurs, l’Égypte traverse aujourd’hui une période décisive et complexe de son histoire. Ce poste est un observatoire privilégié, passionnant, de cette évolution et offre la possibilité de jouer un rôle, bien modeste mais cependant pas négligeable, dans les relations entre ce pays et la France. Les défis sont énormes : protection du patrimoine, rôle de la culture dans la société égyptienne multiculturelle, enseignement. Enseignant-chercheur, je suis très attentif à la formation et je souhaite m’investir dans ce domaine, en collaboration étroite avec nos collègues égyptiens ».

 

Le chercheur belge n’ignore pas qu’il s’agit d’un défi difficile. « Pour moi, c’était le moment idéal », dit-il pourtant. « Je terminais mon deuxième mandat de trois ans à la tête du centre de recherches archéologiques de l’ULB, le CReA-Patrimoine. Mon expérience me laissait penser que je pouvais apporter quelque chose de différent à l’IFAO. Un regard extérieur notamment. Le choix sur ma personne me laisse penser qu’il y a en France une véritable volonté d’ouverture à l’international de l’Institut ».

Ecoutez Laurent Bavay détailler ses priorités à la tête de l’IFAO

L’IFAO est un outil de recherche unique en France et peut-être dans le monde pour la recherche en égyptologie. Il couvre toute la chaîne de la recherche, depuis les chantiers de fouilles et la découverte des sites archéologiques jusqu’à la publication des résultats scientifiques. L’IFAO est aussi une maison d’édition, avec son imprimerie, reconnue pour son excellence. Un exemple? Les publications de l’IFAO constituent la référence mondiale en ce qui concerne l’édition des grands temples tardifs de l’Égypte pharaonique. Tous les « écrits » relevés dans ces grands temples égyptiens ont été édités et imprimés par l’IFAO, ce qui assure la diffusion la plus large possible de ces textes vers tous les scientifiques de la planète qui souhaitent les étudier.

 

Découverte d’une pyramide à Louxor, en 2013

Rappelons que par ailleurs le Pr Bavay a réalisé quelques belles découvertes au fil de ses travaux en Egypte. En 2013, il mettait au jour une nouvelle pyramide à Louxor, dans le cadre de la mission archéologique conjointe de l’ULB et de l’ULg, soutenue par le F.R.S-FNRS et le ministère de la Recherche scientifique. Il s’agissait de la découverte de la pyramide de Khay, un vizir de Ramsès II.

 

Louxor, découverte d'une pyramide lors de la campagne de fouille belge de 2013 (Ici, vue du site en janvier 2015).
Louxor, découverte d’une pyramide lors de la campagne de fouille belge de 2013 (Ici, vue du site en janvier 2015). Cliquer pour agrandir.

 

« Nous menons des fouilles à Louxor depuis 18 ans », souligne le Pr Bavay. « Le contact avec le terrain est important. Dans le cadre de mes nouvelles fonctions à l’IFAO, j’ai bien entendu mis mes activités à l’ULB entre parenthèses. Mais je continuerai à travailler sur ce programme belge de recherche à Louxor, dont j’assure la direction depuis quelques années. Tous mes prédécesseurs à l’IFAO ont toujours conservé une activité de recherche sur le terrain. J’espère pouvoir en faire de même ».

 

Louxor, janvier 2015, campagne de fouille ULB-ULg. Cliquer pour agrandir.
Louxor, janvier 2015, campagne de fouille ULB-ULg. Cliquer pour agrandir.

 

Si Louxor et les chantiers de fouilles belges restent aujourd’hui dans ses pensées, l’avenir du scientifique belge se dessine par contre plutôt au Caire et à Paris. « La gestion de l’Institut est un travail à temps plein », estime-t-il. « Depuis juin, je m’y investis entièrement. Ma mission au Caire, je la conçois avant tout comme celle d’un gestionnaire et d’un facilitateur pour les scientifiques qui animent les programmes de recherche français en Egypte, leur donner les moyens de mener leur travail dans les meilleures conditions possibles. Bien entendu, ma position m’amène à contribuer à la définition des grandes orientations de la recherche des prochaines années  ».

 

Avec, en prime, une volonté d’amener les techniques de recherche archéologique les plus modernes développées en métropole sur les bords du Nil, et par la même occasion, permettre à ses collègues et aux étudiants égyptiens de se les approprier. Des ambitions à la hauteur de sa mission.

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