En vue de mener à bien la transition énergétique et numérique, l’appétit en ressources minières critiques est devenu gargantuesque en l’espace de quelques années. En parallèle, l’Europe veut gagner peu à peu son indépendance minière. Si bien que d’ici 2030, elle veut combler 10 % de ses besoins en matières premières critiques via des extractions sur son propre territoire. Pour ce faire, dans le Critical Raw Materials Act, elle impose notamment aux états membres de remettre sur pied des programmes d’exploration nationaux. C’est dans ce cadre que vient de sortir l’Atlas des ressources minières critiques de Belgique, élaboré par l’Institut Royal des Sciences Naturelles au travers du Service Géologique de Belgique, qui en fait partie.
Une mise à jour nécessaire
Le Service Géologique de Belgique est également partie prenante de EuroGeoSurveys, un organisme qui regroupe tous les services géologiques européens. Les groupes d’experts qui le composent se retrouvent deux fois par an pour discuter de la manière dont l’Europe envisage le sous-sol et de comment les services géologiques européens peuvent y contribuer.
« Sous la pression européenne, cela faisait déjà quelques années que je voyais mes collègues des autres services géologiques européens s’activer à produire des cartes des ressources minérales critiques dans leur pays. Il était temps pour la Belgique de joindre le mouvement : les données concernant notre sous-sol n’avaient plus été actualisées depuis une trentaine d’années. Et ce, même si des recherches concernant les ressources minérales ont toujours menées durant cette période à l’IRSNB », explique Dre Sophie Decrée, coordinatrice de l’Atlas « The Critical Raw Materials Atlas of Belgium », réalisé avec les contributions des Universités de Liège, Mons et Gand.
Une volonté d’indépendance minière
Les raisons de ce manque d’intérêt? Les ressources minérales convoitées se trouvaient en grande quantité dans d’autres pays. En Chine, au Chili, en RDC, etc. Mais depuis quelques années, la géopolitique a changé, et la volonté de l’Europe de moins dépendre des ressources du sous-sol d’états en dehors de ses frontières a été clairement exprimée.
Par ailleurs, avec pas moins de 383 personnes par kilomètre carré, la Belgique est un pays densément peuplé. Dans ces conditions, les mines du futur devraient prendre en compte davantage de contraintes environnementales et géotechniques que par le passé.
Dès lors, si des mines devaient voir le jour sur notre territoire dans le futur, ce serait vraisemblablement en profondeur, et l’exploitation pourrait bénéficier de l’intervention de robots. Ils détecteraient des veines à exploiter, et prélèveraient les minéraux convoités tout en comblant progressivement les galeries fraîchement creusées avec le reste de roche inintéressant. De la sorte, les déchets resteraient à l’intérieur de la mine, et les galeries solidifiées éviteraient les effondrements. Dans cette optique, des robots miniers conçus à l’IRSNB ont été testés récemment en Slovénie.
Du germanium dans les Cantons de l’Est
« L’Atlas donne un aperçu de l’état actuel des connaissances. Il pourra servir de base pour les futures explorations du sous-sol belge. Il a consisté en une revue de littérature, enrichie de bases de données que le Service Géologique de Belgique nourrit depuis 125 ans. Et de nouvelles données produites par le service géologique au travers de projets réalisés ces dernières années », poursuit Dre Sophie Decrée, membre du groupe d’experts EuroGeoSurveys pour les ressources minérales.
Au premier coup d’œil, ce qui ressort de l’Atlas, c’est l’abondance de plomb et de zinc dans l’Est de la Belgique, notamment dans le Synclinorium de Verviers. « Actuellement, aucun de ces deux éléments ne fait partie de la liste des 34 matières premières critiques établie en 2023 par la Commission européenne, mais le zinc pourrait devenir un métal stratégique prochainement. Et ce, de par sa très grande utilité à différents niveaux de la transition énergétique. »
« Par ailleurs, à ces gisements de plomb-zinc sont associées des matières premières critiques stratégiques, comme le germanium, certainement présent sous forme diffuse et en petite quantité. Mais pour certifier cela, il est nécessaire de faire de l’exploration minière. »
Du phosphate et des terres rares à Mons
Dans la région de Mons, se trouve le deuxième plus grand gisement de phosphate sédimentaire en Europe. Il est issu de craies formées au Crétacé.
« Par le passé, il y a eu des études et des sondages, qui ont révélé des niveaux riches en phosphate. Une estimation suggère la présence de quelque 5 à 10 % de phosphate parmi les 960 millions de tonnes de calcarénite phosphatée. Ce gisement d’apatite (c’est le nom du minéral contenant le phosphate) est enrichi en petites quantités de terres rares, comme le lanthane ou le néodyme, qui pourraient être obtenues comme sous-produits de l’extraction du phosphate », explique Dre Sophie Decrée.
On estime qu’il pourrait y avoir plus de 300.000 tonnes de terres rares dans le bassin de Mons.
A noter que le phosphore, ici assemblé en phosphate, est, quant à lui, une matière critique pour l’agriculture.
Mais concrètement, comment faire pour exploiter un gisement dans une zone si densément peuplée ? Cette réponse, seuls des ingénieurs des mines seraient à même de l’apporter.