Si un dieu ou un être divin avait créé tous les organismes vivants sur Terre, ce créateur devait avoir une « prédilection extraordinaire pour les coléoptères ». C’est ce qu’a un jour déclaré, en plaisantant, le biologiste évolutionniste et généticien britannique J.B.S. Haldane. Sur notre planète, environ une espèce animale sur quatre est un coléoptère! Et ils peuplent pratiquement tous les types d’habitats : le sous-sol, les plantes, l’eau, le fumier, le bois mort, etc.
Il n’est donc pas surprenant qu’il existe également un nombre considérable d’espèces de coléoptères en Belgique. Mais combien exactement ? Le dernier inventaire à grande échelle, mais incomplet, remontait à 1995. Grâce à une analyse approfondie des données (provenant notamment du site de sciences citoyennes www.observations.be et du projet d’inventaire du Jardin Massart à Bruxelles), combinée à une étude documentaire et à l’expertise de plus de trente spécialistes, nous disposons désormais d’une image plus complète et plus précise de la diversité des coléoptères en Belgique.

De nouveaux arrivants pas toujours bienvenus
L’équipe a officiellement identifié un total de 4 672 espèces de coléoptères. Depuis 1990, 295 nouvelles espèces ont été observées dans notre pays. C’est dans la famille des coléoptères nitidulides (Nitidulidae) que le nombre d’espèces ajoutées est le plus élevé.
Sur le nombre total d’espèces répertoriées, 108 sont exotiques, principalement dans le groupe des dermestes (Dermestidae) et des ténébrions (Tenebrionidae). Elles ont été introduites à partir de régions exotiques ou ont migré naturellement vers nos régions depuis des zones plus méridionales.
« Les espèces exotiques ne sont pas nécessairement envahissantes », explique Wouter Dekoninck, conservateur des collections entomologiques à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique. « Mais la coccinelle asiatique, entre autres, l’est. Ce coléoptère a été introduit dans notre pays comme agent de lutte biologique contre les pucerons, mais il se nourrit également des larves des coccinelles indigènes et des œufs de papillons, ce qui en fait une menace. »

Moins de coléoptères aquatiques et de scarabées
Les plus de quatre mille espèces sont réparties en 103 familles. Les plus grandes familles de coléoptères en Belgique sont les staphylins (Staphylinidae), les charançons (Curculionidae), les carabes (Carabidae) et les chrysomèles (Chrysomelidae). Les staphylins (allongés et généralement de couleur foncée) arrivent en tête avec pas moins de 1 200 espèces.
En comparant les anciens inventaires des populations de coléoptères avec ceux d’aujourd’hui, les entomologistes ont constaté que 145 espèces ont probablement disparu au niveau national. Elles n’ont plus été observées dans notre pays depuis 1950. Les familles les plus menacées sont les bousiers (Aphodiidae) et les gyrins (Gyrinidae), le seul groupe de coléoptères capable de nager à la surface de l’eau.
Environ un quart des espèces de ces deux familles ont disparu depuis 70 ans. Une explication ? « La qualité de l’eau s’est détériorée après 1950, ce qui a entraîné la disparition d’un certain nombre d’espèces de coléoptères aquatiques », dit Arno Thomaes, chercheur à la Société royale belge d’Entomologie (SRBE), premier auteur du nouvel inventaire. « Si nous n’observons plus beaucoup de scarabées coprophages, c’est parce que le bétail est traité avec des pesticides contre les parasites intestinaux. Et ces substances se retrouvent dans les scarabées via le fumier. » Ce qui leur nuit.


Des espèces uniques
Pour la plupart des familles, la liste fait la distinction entre les trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles) et trois périodes (avant 1950, 1950-1999 et à partir de 2000). Cette classification permet de suivre les tendances en matière de biodiversité et de répartition des espèces. La plupart des espèces de coléoptères (56 %, soit près de 1 800 espèces) ont été observées dans les trois régions. La Wallonie compte 14 % d’espèces uniques (non présentes dans les autres régions), la Flandre 7 %. Cela s’explique par leurs habitats spécifiques: notamment les tourbières hautes et les prairies calcaires en Wallonie, et les environnements côtiers en Flandre.

« La nouvelle liste des coléoptères de Belgique sert désormais de base pour la poursuite de la surveillance, la gestion de la nature et la mise en œuvre des politiques », explique Arno Thomaes. « Les coléoptères sont des bioindicateurs essentiels des écosystèmes. Leur présence ou leur absence informe sur l’état de santé de ces derniers. »
De tels inventaires constituent un travail de longue haleine et n’auraient pas été possibles sans une bonne collaboration entre des experts et plusieurs dizaines de citoyens scientifiques.
A noter que la liste des coléoptères de Belgique (Coleoptera) est disponible en ligne et sera bientôt publiée sous forme de livre. La liste complète sera également accessible sur GBIF, un réseau international et une plateforme de données qui offre un accès libre aux données sur la biodiversité dans le monde entier.