Streptocoque A © Prof. Dr. Rohde, HZI Braunschweig / ZEISS Microscopy

Sur la piste d’un vaccin contre le streptocoque A

18 novembre 2014
par Elise Dubuisson
Durée de lecture : 4 min

Responsable de certaines angines ou encore de méningites, la bactérie streptocoque A donne du fil à retordre aux scientifiques qui tentent de mettre un vaccin au point !

Pr Pierre Smeesters
Pr Pierre Smeesters

Sa particularité ? Cette espèce compte plus de 200 cousins (souches) différents. Or un vaccin ne peut regrouper qu’une trentaine de cousins maximum. Aucun vaccin assez efficace n’a donc pu être mis au point à ce jour. Mais c’était sans compter sur la nouvelle classification développée par le Pr Pierre Smeesters et ses collègues…

 

Un problème majeur de santé publique

En Europe et aux Etats-Unis, le streptocoque A a principalement fait parler de lui dans des situations extrêmes et très médiatisées comme la bactérie mangeuse de chair en Angleterre dans les années 80. Dans ces pays, ces infections parfois mortelles sont en augmentation depuis plusieurs années mais heureusement, une prise en charge médicale intensive permet de soigner la plupart des malades. Ce qui est loin d’être le cas dans les pays en voie de développement. D’où l’intérêt de mettre au point un vaccin !

 

Une famille (trop) nombreuse

Sous le nom streptocoque A se cachent de nombreuses souches qui compliquent la tâche des scientifiques.

« En Europe, il existe essentiellement une dizaine de cousins, ce qui reste un nombre raisonnable pour développer un vaccin. En revanche, dans les pays pauvres, ils sont nettement plus nombreux : on dénombre entre 50 et 100 souches différentes dans un seul pays. Et c’est là que le bât blesse ! En effet, un vaccin ne peut contenir qu’un maximum de 30 souches. Impossible donc en l’état de mettre au point un vaccin qui protège suffisamment », explique Pierre Smeesters, médecin pédiatre et chercheur à l’ Institut de Biologie et de Médecine Moléculaire (IBMM), de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et actuellement en poste au Murdoch Childrens Research Institute  de Melbourne en Australie.

 

Des cousins très proches

Reste qu’il en faut plus pour décourager Pierre Smeesters bien décidé à en découdre avec cette bactérie ! Ni une, ni deux, il initie un consortium réunissant des chercheurs et des médecins de 31 pays qui analysent le streptocoque A sous toutes ses coutures. Un acharnement payant puisqu’ils constatent que ces dizaines et dizaines de souches sont finalement relativement proches.

« Bien que ces souches soient différentes, elles présentent des similarités qui permettent de les regrouper en sous-catégories. Ce que nous avons réussi à démontrer en analysant plus de 1500 souches provenant des 31 pays participants ».

 

Sous le feu des projecteurs : la protéine M

L’un des composants essentiels de cette bactérie n’est autre que la protéine M. Cette protéine de surface intervient à plusieurs niveaux et peut être une bonne cible pour les vaccins ! Les chercheurs l’ont donc analysée dans tous les échantillons: longueur de séquences de gènes, présence ou absence de séquence répétées, structure secondaire, …

« Ces travaux sur la protéine M nous ont permis d’établir une classification qui regroupe les souches en 48 sous-catégories dont une trentaine seulement sont fréquemment retrouvées de par le monde. À l’intérieur de ces sous-catégories, être vacciné contre une bactérie peut probablement également protéger contre les autres souches contenues dans celle-ci. Grâce à cette classification, il devrait être possible de mettre au point un vaccin affichant un taux de protection de 90%, ce qui est vraiment encourageant », s’enthousiasme le chercheur.

Ces résultats sont à ce point prometteurs que le laboratoire du CDC Américain d’Atlanta , laboratoire de référence au niveau mondial, a commencé à les diffuser automatiquement à tous les visiteurs de son site web.

 

Des résultats vérifiés sur les îles Fidji

Cette classification aurait pu rester théorique mais grâce à la mise à dispositions d’échantillons de sang collectés pendant un an sur les îles Fidji, Pierre Smeesters et ses collègues ont pu vérifier certains de leurs résultats.

« Des infirmières ont suivi pendant un an des enfants inscrits dans 3 écoles différentes des îles Fidji. Elles leur rendaient visite deux fois par semaine, les examinaient et collectaient des échantillons de sang. Échantillons qui permettaient de monitorer les infections à streptocoques et qui, une fois à notre disposition, nous permettent actuellement de confirmer notre classification en vérifiant, en conditions réelles, si l’infection par un cousin de l’une des sous-catégories protégeait effectivement d’une infection par un autre cousin de la même sous-catégorie ».

 

Et le vaccin c’est pour quand ?

Les travaux de ce consortium ne sont pas encore tout à fait finis, les résultats doivent encore être en partie validés afin de pouvoir donner la composition précise d’un candidat vaccin. Une étape qui devrait durer deux ans.

« Ensuite, les tests cliniques pour la mise sur le marché d’un vaccin prennent en moyenne 5 ans. Nous espérons que l’industrie pharmaceutique soutiendra cette recherche et produira finalement un vaccin accessible à tous », conclut Pierre Smeesters.

 

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