Les pêcheurs du lac Tanganyika, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont des problèmes. Selon l’étude menée par une équipe internationale, dirigée par des scientifiques belges, auprès de 1018 d’entre eux, il semble que les stocks de poissons y diminuent de manière inquiétante et que la sécurité des acteurs de la filière ne soit pas suffisamment assurée.
Le lac Tanganyika est le deuxième plus grand lac d’eau douce au monde et borde quatre pays : la République démocratique du Congo, la Tanzanie, le Burundi et la Zambie.
« Dans l’est du Congo, une des régions les plus pauvres de la planète, les pêcheries jouent un rôle crucial en matière de sécurité alimentaire », rappellent les chercheurs, parmi lesquels on retrouve des scientifiques de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique, du Musée royal de l’Afrique centrale, mais aussi du Centre congolais de recherche et d’hydrobiologie (CRH). « Or, les stocks de poissons y sont sous pression en raison de l’exploitation des ressources naturelles et de la pollution. »
Des prises de plus en plus menues qui trahissent une surpêche
Les pêcheurs y capturent principalement des perches et deux sortes de sardines. Ils vendent leurs poissons sur la plage, à des femmes qui le revendent ensuite sur les marchés. Les contrôles se font généralement sur la plage. Les fonctionnaires du gouvernement y recueillent des données statistiques et vérifient qu’aucun matériel illégal, comme des filets remorqués ou les moustiquaires, n’est utilisé.
Pour que le stock de poissons ne s’épuise pas, il doit être correctement géré. Cependant, les règlements actuels datent de quatre décennies et ne sont plus pertinents. « Le nombre de pêcheurs a augmenté de manière exponentielle en quarante ans », estiment les chercheurs. Afin de mieux percevoir la situation, ils ont mené 1018 entretiens avec des pêcheurs, des vendeurs, des fonctionnaires… Il en ressort que les prises diminuent en quantité et que les poissons deviennent également plus petits. Cela peut indiquer qu’il y a surpêche.
La pauvreté pousse à des pratiques illégales
Comment remédier à la situation? Une politique de pêche plus stricte a peu de chances de réussir. « Bien que les pêcheurs ne soient pas ouverts à des règles plus strictes, ils souhaitent une application plus stricte des règles existantes, par exemple pour empêcher la concurrence déloyale de collègues qui utilisent du matériel illégal », explique Pascal Masilya Mulungula, chercheur au CRH d’Uvira, en RDC.
Il y a aussi la question de la pauvreté des populations. « Les pratiques illégales telles que la capture de poissons juvéniles le long des côtes à l’aide de moustiquaires réduisent les stocks de poissons », constatent les chercheurs. « Cette technique est surtout utilisée par les femmes pauvres, qui n’ont pas d’autre source de nourriture ou de revenus et qui dépendent donc de cette pêche pour subvenir aux besoins de leur famille. Une application plus stricte des règlements interdisant cette technique devrait dès lors aller de pair avec une source alternative de revenus pour ces personnes. »
Une nécessaire coopération internationale
Enfin, il y a aussi la question de la sécurité des pêcheurs qui taraude les acteurs de cette filière, au Congo. « Les conditions de travail sur le lac sont dangereuses, avec de fortes vagues et des vents violents. De plus, les pêcheurs sont régulièrement attaqués par des gangs ou extorqués par des soldats ou des agents de sécurité », explique Els De Keyser, de l’Institut Royal des Sciences naturelles et de la KULeuven.
Un meilleur accès à des gilets de sauvetage serait le bienvenu. Ils souhaitent aussi que le gouvernement prenne des mesures sévères contre les gangs et la corruption.
Les chercheurs ont présenté leurs conclusions au gouvernement local. « Étant donné que quatre pays se partagent le stock de poissons, les recherches futures devront se concentrer sur la volonté de coopérer des parties impliquées dans le lac », conclut Mme De Keyzer.