Administrativement et politiquement, « Bruxelles » se limite aux 19 communes qui composent la Région de Bruxelles-Capitale. On sait évidemment que la métropole bruxelloise s’étend sur un espace beaucoup plus vaste, sa « communauté urbaine ».
Arnaud Adam, Isabelle Thomas (géographes) et Jean-Charles Delvenne (mathématicien), trois chercheurs de l’Université catholique de Louvain (UCL), viennent de boucler une nouvelle étude à ce sujet. Publiée dans la revue scientifique bruxelloise « Brussels Studies », elle prend en compte une nouvelle série d’informations issues de la téléphonie mobile. Ces informations viennent compléter des données plus classiques, basées sur les migrations résidentielles et les navetteurs.
13 millions d’appels en un mois
Les chercheurs ont travaillé sur des données téléphoniques provenant d’un grand opérateur et couvrant la période d’avril/mai 2015. Ils ont pris en compte tous les appels de téléphonie mobile entre deux numéros de cet opérateur sur le territoire bruxellois et de l’ancienne province du Brabant. Les appels ont été géocodés à l’échelle des antennes, au moment de l’appel. Au total, cela porte sur 13,4 millions d’appels.
En analysant et en croisant ces diverses bases de données à l’aide d’une méthode mathématique de détection de communautés, les chercheurs ont pu délimiter l’espace dans et autour de la Région de Bruxelles-Capitale en groupes de lieux fortement interreliés.
Particularismes téléphoniques
Leurs conclusions? Ces communautés débordent clairement des limites de la Région de Bruxelles-Capitale. Les chercheurs identifient aussi différentes « structures spatiales » à travers ces trois bases de données. Leurs constats:
- – Les communautés ancrées dans la Région de Bruxelles-Capitale se prolongent vers la périphérie
- – Leuven s’avère être un bassin d’interactions à part entière
- – A l’ouest, une réalité spatiale axée sur Asse et Halle se dessine
Du côté du Brabant wallon, ils identifient quatre bassins distincts en matière de téléphonie mobile:
- – Tubize
- – Braine-l’Alleud/ Nivelles
- – le tripôle Wavre/Ottignies/ Louvain-la-Neuve
- – Jodoigne à l’Est
Tirlemont, Oud-Heverlee et Overijse dans le Brabant wallon
Une autre information intéressante issue de leurs travaux concerne les limites linguistiques au sein de l’ancienne province du Brabant et au sein même de la Région bruxelloise avec sa périphérie.
« En matière de relations téléphoniques, les limites régionales (Bruxelles) et provinciales / linguistiques ne sont pas aussi bien respectées par le tracé des communautés que dans les cas des navettes et migrations », écrivent-ils. « À titre d’exemple, notons que les communes d’Overijse, Huldenberg, Oud-Heverlee et la partie sud des communes de Bierbeek, Hoegaarden, Tienen et Landen font partie de l’aire d’interactions téléphoniques du Brabant wallon.
Tubize et Rebecq dans le Brabant flamand
La frontière linguistique est donc bien plus perméable en matière de téléphonie, qu’en matière de migrations résidentielles ou pendulaires. À l’Ouest par contre, Tubize et Rebecq (francophones) se rattachent à la communauté téléphonique de Halle (néerlandophone). Notons enfin que la communauté de Leuven s’étale cette fois vers les communes du Nord de la province jusqu’à Grimbergen.
Relations privilégiées entre certains quartiers bruxellois et la périphérie
Cette disparité se remarque également dans la région de Bruxelles-Capitale. « Certains polygones forment des îlots, classés dans une communauté différente de celle qui les entoure », indiquent les chercheurs.
« À titre d’exemple, les antennes couvrant les zones de la VUB ainsi que celles de la VRT sont classées dans la communauté de Leuven, alors que les antennes couvant les gares du Luxembourg, Schuman ou Congrès sont classées dans la communauté du Brabant wallon. Ces structures sont détectées tant pour les appels effectués durant la journée (figure 9a) que la nuit (figure 9b) ».