Devenir leader mondial dans le développement de l’ordinateur quantique. C’est ce que vise, à terme, l’Union européenne. Pour ce faire, elle finance différents projets de recherche, dont ARTEMIS. Celui-ci a comme but spécifique de développer des sources de lumière qui émettent de la lumière photon par photon. Cette caractéristique est capitale pour pouvoir exploiter les propriétés quantiques de la lumière en métrologie ou dans des capteurs quantiques. Mais aussi, et à condition d’avoir des sources fiables, dans l’émergence future de l’ordinateur quantique et de la cryptographie quantique.
Démontrer que la source est quantique
Une ampoule LED allumée équivaut à des millions de milliards de photons émis à chaque instant. Le défi d’ARTEMIS est de fabriquer des sources de lumière capables d’émettre un seul photon à la fois ! En effet, à cette extrêmement faible intensité lumineuse, des phénomènes quantiques, c’est-à-dire survenant au niveau des atomes, se manifestent.
La physique quantique est la branche de la physique qui étudie le comportement des particules très petites, comme les électrons et les photons, à l’échelle atomique et subatomique. Elle repose sur des principes très différents de ceux de la physique classique, laquelle décrit le monde à une échelle plus grande.
Yves Caudano est physicien quantique à l’UNamur et chercheur qualifié FNRS au sein du Laboratoire Lasers et Spectroscopies (UR-LLS). « Dans le cadre d’ARTEMIS, notre rôle est de démontrer via des mesures d’optique quantique que les sources de lumière conçues dans un premier temps par des chimistes émettent bel et bien un seul photon à fois. Et ensuite, de proposer une application quantique les exploitant. C’est un projet challenging. »
Mesures d’optique quantique
On ne démarre pas de zéro. Différentes façons de créer des protons uniques ont déjà été réalisées par des scientifiques de par le monde. ARTEMIS se distingue dans sa volonté de créer des molécules dotées de propriétés avantageuses pour l’émission de photons.
« Une famille particulière de molécules a d’ores et déjà été identifiée. Les chimistes doivent désormais les fabriquer, et les ajuster pour répondre aux critères dont nous avons besoin pour réaliser l’expérience d’optique quantique qui examinera si leur émission est bien quantique. »
« Nous testerons le fait qu’un seul photon soit émis à la fois. Pour ce faire, il faut des détecteurs extrêmement sensibles. Au laboratoire, on travaille dans le noir total, car la lumière ambiante détruirait ce détecteur. Quand un photon est absorbé, il crée, de façon discrète, un courant électrique, un « clic ». »
« Nous testerons aussi le fait que les photons émanant ponctuellement d’une même source soient indiscernables. Donc qu’ils soient identiques, dotés des mêmes propriétés. »
Détecter l’indétectable
« Ensuite, nous développerons une application originale exploitant ces sources quantiques. Il s’agira de faire des mesures à extrêmement basse intensité. Et ce, dans le but de caractériser des phénomènes optiques extrêmement faibles », explique Dr Caudano, spécialiste des mesures faibles quantiques.
« La plupart de mes recherches sont dites fondamentales (par opposition à “appliquées”, NDLR) et portent sur la notion des mesures faibles et de comment la mécanique quantique est comprise . »
« Les mesures faibles quantiques essayent d’éviter la destruction de l’état quantique lors de la mesure quantique. Autrement dit, via ces mesures particulières, on tente de perturber relativement peu le système. »
« Ces mesures offrent un avantage technologique indéniable : dans certaines conditions, il est possible d’amplifier des phénomènes qui seraient autrement indétectables. »
Un exemple ? Quand on envoie un faisceau laser sur une surface, la première intuition est que le faisceau réfléchi repart exactement du point où il a cogné la surface. Mais un calcul précis, et dans certaines conditions expérimentales, révèle que le faisceau laser réfléchi repart en réalité décalé par rapport au faisceau incident.
« Ce décalage est extrêmement minime, de l’ordre de la longueur d’onde. Soit, dans le visible, de l’ordre d’un demi-micromètre ou un demi-millionième de mètre : c’est plus petit qu’un pixel d’une caméra CCD ! Et non mesurable. Mais en réalisant des mesures faibles dans certaines conditions d’expérience, il est possible d’allonger ce déplacement, de le rendre plus grand qu’un pixel de caméra CCD. Cela se fera toutefois au détriment de la partie détectée de l’intensité réfléchie », explique Dr Caudano.
« Dans le cadre d’ARTEMIS, l’idée serait d’exploiter ce type de mesures faibles quantiques avec les sources quantiques créées par les chimistes. Et ce, afin de détecter des phénomènes avec des photons qui autrement n’auraient pas pu être détectés. »
ARTEMIS est soutenu par Horizon Europe dans le cadre du programme EIC Path Finder. Il a débuté le 1er octobre 2023 pour une durée de 4 ans.