Un biomarqueur prédictif de l’évolution vers une leucémie agressive 

18 décembre 2025
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Le virus HTLV-1 touche plus de 20 millions de personnes à travers le monde. Si la majorité des porteurs reste asymptomatique, une minorité développe des complications graves, comme la leucémie à cellules T de l’adulte (ATL), souvent plusieurs décennies après l’infection initiale. Jusqu’ici, aucun outil fiable ne permettait d’anticiper cette évolution. Aujourd’hui, une avancée scientifique majeure marque un tournant décisif dans la recherche sur cette forme rare de leucémie. Cette découverte pourra permettre des traitements plus précoces et un suivi médical ciblé des porteurs du virus HTLV-1.

« Ce biomarqueur permettra aux cliniciens d’identifier les porteurs HTLV-1 susceptibles de développer une ATL agressive », explique la Dre Anne Van den Broeke, autrice principale de l’étude et directrice des recherches en oncogenèse virale à l’Institut Jules Bordet et au GIGA. « Pour la première fois, nous disposons d’un outil capable de prédire cette progression des années, voire des décennies avant l’apparition des symptômes. »

Une biobanque unique au monde

L’étude s’appuie sur une cohorte japonaise suivie depuis 2002, avec une biobanque sans équivalent au monde, constituée d’échantillons collectés sur plus de vingt ans. Grâce à des techniques de séquençage avancées, les chercheurs belges ont développé un score prédictif appelé VCE (Viral Clonality Evenness). Ce score mesure l’homogénéité de la distribution du virus dans les cellules du patient et est un indicateur déterminant du risque de transformation cancéreuse.

« À l’origine, cette méthode visait à répondre à des questions fondamentales sur l’évolution du cancer dans des modèles précliniques », indique le Dr Michel Georges, co-auteur de l’étude et ancien directeur de l’Institut GIGA. « Ce qui est remarquable, c’est qu’elle s’est révélée directement applicable à la maladie humaine, avec une utilité clinique réelle pour les patients. »

Etude Bordet © Illumine – Adeline Deward

Un outil qui répond à l’appel de l’OMS

Outre l’identification des personnes à haut risque pouvant bénéficier d’une prise en charge préventive, le score VCE permettra de rassurer environ 80 % des porteurs aujourd’hui considérés “à risque” selon les outils existants, alors qu’ils ne développeront jamais la maladie – un progrès significatif pour leur qualité de vie. Cette découverte répond directement à l’appel lancé en 2024 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui soulignait l’urgence de développer des biomarqueurs diagnostiques et pronostiques pour améliorer la prise en charge des porteurs du virus HTLV-1 à l’échelle mondiale.

Une recherche collaborative soutenue par de nombreux partenaires

Fruit d’une collaboration internationale, cette recherche associe l’Institut Jules Bordet – H.U.B., l’Institut GIGA (Université de Liège), l’Hôpital Necker (AP-HP, Paris), l’Erasmus Medical Center (Rotterdam) et le consortium japonais JSPFAD (Joint Study on Predisposing Factors of ATL Development).  L’étude a  bénéficié du soutien important de l’Association Jules Bordet, du Télévie, du Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS), de la Fondation contre le cancer, du Fonds Léon Frédéric et de la Région wallonne (WALInnov).

Le score VCE fait actuellement l’objet d’une évaluation clinique dans plusieurs régions endémiques du virus HTLV-1 ainsi qu’au sein de populations à risque à travers le monde.

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