Pour sa réouverture, le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC), renommé Africa Museum, présente l’exposition temporaire «Art sans pareil». Et un livre portant le même titre. Richement illustré, il dévoile 77 merveilles analysées par des universitaires, des conservateurs, des spécialistes des arts africains. Dans la plupart des cas, ces masques, statues en bois, ivoires sculptés, objets en métal figurent dans la salle «Art sans pareil».
«Un grand nombre des œuvres exposées atteignent des sommets artistiques rarement atteints au niveau mondial», juge Guido Gryseels, directeur général de l’Africa Museum à Tervuren. «Ensemble, elles offrent un aperçu général très complet de la richesse artistique du Congo. Mais aussi de la diversité et de l’ancienneté de ses cultures. Et celles de certains autres pays d’Afrique centrale.»
Des fétiches à clous protégeaient les villageois
«Ces objets témoignent tout autant de la richesse que de la diversité des collections de Tervuren», ajoute Julien Volper, le commissaire de l’exposition, chercheur, conservateur, maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles (ULB). «Depuis les origines de l’institution, les éditions du MRAC ont publié plus de 500 titres en sciences humaines. Ces écrits permettent, de manière non négligeable, d’avoir une meilleure approche culturelle de l’Afrique.»
Les fétiches à clous sont représentatifs de l’art africain. «Dans l’imaginaire européen, on les rattache souvent à des pratiques de type vaudou. À des actes noirs de sorcellerie. Il importe de corriger cette image hollywoodienne. Leur possession par un village et la renommée de leur pouvoir dans une région donnée peuvent être comparées à la foi et la fierté qui animaient un village belge possédant une châsse abritant les reliques d’un saint renommé.»
Selon les croyances, ces «nkisi nkonde» pouvaient traquer voleurs et sorciers. Les tuer en provoquant des maladies redoutables. Leur volonté provenait, pour une grande part, de l’âme de défunts. Un «nganga», un tradipraticien, les activait, contre rémunération. Il enfonçait une pointe de métal dans le fétiche en bois. Si elle restait fichée, la demande du solliciteur était acceptée. Haut de 115 cm, le fétiche de l’exposition est inscrit depuis 1912 dans la collection du MRAC. Il provient de la région de Boma (République démocratique du Congo).
Le chef-d’œuvre du musée
La couverture du livre est ornée d’un masque cornu… «La fonction exacte de cette pièce unique, devenue le chef-d’œuvre du musée de Tervuren, n’est pas connue», explique Julien Volper. «Lorsqu’en 1896, l’officier belge Oscar Michaux pénètre de force dans le village de Luulu, il découvre et récupère un objet qu’il décrit comme une immense tête creuse, avec deux cornes, servant au féticheur qui se l’adaptait sur les épaules.»
«Les hypothèses les plus approfondies touchant à l’exemplaire acquis par Michaux visent à le rattacher au bumbudye. On peut considérer le bumbudye comme la confrérie luba des gardiens de la mémoire et des traditions. Ceux qui ont en charge la connaissance des mythes, de l’histoire des chefferies (les territoires placés sous l’autorité d’un chef traditionnel) et des interdits politiques et religieux.» Depuis 1919, ce masque-heaume, haut de 39 cm, fait partie de la collection du MRAC.
Une défense d’éléphant unique en son genre
Une défense d’éléphant sculptée a eu un parcours assez mouvementé. «Offerte par les Britanniques à Sa Majesté Léopold II, elle fut présentée lors de l’Exposition internationale Bruxelles-Tervuren de 1897, avant d’intégrer plusieurs années plus tard le Musée du Congo», raconte Julien Volper. «Comme cet objet ne relevait pas des cultures liées aux possessions coloniales belges, il fut transmis en 1931 aux Musées royaux d’art et d’histoire. Lesquels, grâce à la politique du directeur Jean Capart, développèrent une section ethnographique.»
En 1979, la défense, longue de 159 cm, est transférée au Musée de Tervuren. «Cet objet presque inconnu est le seul du genre conservé dans une collection muséale belge. En lien avec la personne de l’oba (souverain) du royaume du Bénin (sud-ouest de l’actuel Nigeria), ces défenses étaient destinées à être placées sur des autels dévolus aux ancêtres royaux. Les différents personnages et animaux représentés évoquent et glorifient l’autorité, la sacralité et la puissance de l’oba.»
La défense de l’Africa Museum daterait des années 1850-1880. Des recherches pourraient confirmer son origine.