Le temps et l’espace sont déformables

19 mai 2025
par Raphaël Duboisdenghien
Temps de lecture : 4 minutes
“Le temps vu autrement”, par Gérard Berry. Editions Odile Jacob. VP 19,99 euros

«Le temps vu autrement» paraît aux éditions Odile Jacob. Avec humour, son auteur Gérard Berry expose sa vision du temps. Notamment en physique, informatique, déformatique, pataphysique.

L’ancien titulaire de la chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France présente aussi trois mises en pratique précommerciales de la mécanique quantique du temps. De la relativité restreinte d’Einstein. Et de nouvelles façons d’aborder les voyages dans le temps.

La pataphysique inspire des idées neuves

«Je suis scientifique depuis mon enfance», raconte le membre des Académies des sciences française et belge. «J’adorais consulter les livres de chimie avec leurs beaux dessins et leurs formules magiques. J’ai d’ailleurs eu un vrai labo dans la cave. J’ai rencontré l’informatique en 1967 quand j’étais à l’École polytechnique. Par un copain qui m’a dit qu’il y avait, dans une petite pièce, un ordinateur assez antique mais libre d’accès, donné par son fabricant. Dès que j’ai commencé à faire mes premières expériences, j’ai compris qu’il était facile de programmer vite. Mais très difficile de programmer juste. Ce qui allait me suivre toute ma vie.»

La pataphysique, la science des solutions imaginaires créée par Alfred Jarry, a permis souvent au scientifique d’avoir des idées neuves… «Au Collège de Pataphysique, j’ai créé la chaire de Déformatique, ainsi définie: ‘L’informatique, c’est la science de l’information, la déformatique, c’est le contraire’. Voici sa devise, empruntée à Oscar Wilde: ‘Appuyez-vous sur les principes, ils finiront bien par céder’.»

La déformatique dirige la physique

Pour le temps et l’espace, la déformatique suit le sillage établi par les physiciens relativistes qui ont rendu déformables le temps et l’espace à trois dimensions. Dont la stricte rigidité avait été longtemps imposée par Isaac Newton et ses suiveurs.

«Les intuitions et calculs résolument pataphysiques d’Albert Einstein sur son espace-temps déformable à quatre dimensions ont définitivement fait disparaître cette rigidité dans la pensée moderne», souligne le conférencier au Collège Belgique.

«Nous savons maintenant que les temps de toute chose – et donc aussi notre temps personnel – sont déformés par les accélérations et décélérations et par la matière. Ce qui fait que les droites rigides des déplacements inertiels d’autrefois sont devenues des droites tordues dans un espace subtilement courbé par les masses des choses matérielles. Voilà un vrai bonheur intellectuel parfaitement vérifié par l’expérience.»

«Un grand sujet ouvert en physique théorique est de lier la déformabilité einsteinienne de l’espace et du temps à l’absence de forme des ondes et particules de la mécanique quantique.»

Avec les satellites, en biologie, neurosciences

Les autres sciences suivent… «La biochimie est de plus en plus concernée, maintenant que l’on sait que notre vie dépend des repliements, déformations, vibrations et interactions des protéines dans nos cellules molles, protéines que nous avalons tous les jours dans nos aliments. Idem pour les neurosciences du cerveau, organe mou s’il en est, car parfaitement déformable tant dans son contenant que dans son contenu.»

Les satellites? «Le rôle le plus fondamental dans la distribution du temps est maintenant dévolu aux satellites. Et en particulier à ceux de géolocalisation que les gens connaissent surtout pour se repérer dans l’espace. On les appelle collectivement les GNSS, abrégé de ‘Global Navigation Satellite Systems’. Il est devenu très facile pour n’importe qui de brouiller les signaux du GPS (Global Positioning System) et des autres GNSS, car ils sont faibles. Il suffit d’allumer un petit brouilleur qui émet simplement du bruit radio sur les fréquences utilisées. Il faut employer des méthodes terrestres, à base par exemple d’horloges ultraprécises synchronisées par des fibres plus généralisées, lorsque les synchronisations ont besoin de le faire.»

La façon de géolocaliser

En 1973, les militaires étatsuniens utilisent le premier GPS. Déployé pour le public, il est suivi, en 1996, par le russe Glonass. En 2016, par l’européen Galileo auquel la Chine est associée.

La façon de géolocaliser est souvent inconnue… «Chaque satellite contient plusieurs horloges atomiques qui sont synchronisées entre elles», précise Gérard Berry. «Les satellites sont de plus synchronisés entre eux par échange radio, ce qui demande des calculs de relativité générale, car la masse de la Terre courbe le trajet des ondes radio utilisées pour ces échanges. Chaque satellite envoie périodiquement des messages contenant l’heure exacte de l’envoi telle qu’il la connaît. Ainsi que l’endroit très précis où il se trouve dans l’espace.»

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