A l’UCL, on aimerait beaucoup savoir à quelle vitesse fond réellement la banquise

19 juin 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Les hoquets du vortex polaire qui a glacé une bonne partie de l’Europe l’hiver dernier: vous vous en souvenez? Ils pourraient bien résulter d’un problème… de banquise arctique.

« En fondant de plus en plus, celle-ci pourrait effectivement avoir un effet sur la circulation atmosphérique globale », indique le Dr François Massonnet, Chargé de recherche F.R.S-FNRS au Centre de recherche sur la Terre et le climat Georges Lemaître (« Earth and Life Institute »/UCL).

Les 44 modèles climatiques étudiés livrent 44 résultats différents

Le scientifique n’étudie cependant pas vraiment le vortex polaire. Pas plus qu’il ne suit en direct l’évolution de la banquise. Cet ingénieur civil en mathématiques appliquées travaille plutôt sur les modélisations climatiques. Et avec quelques collègues, il vient de passer en revue 44 de ces modèles.

Sans surprises, il a pu constater qu’au sein d’un même scénario (par exemple prédire l’évolution de l’épaisseur de la banquise d’ici la fin du siècle si la température globale de la planète ne s’élève pas plus de deux degrés), chaque modèle livre des résultats sensiblement différents des autres… Si tous s’accordent à dire que la banquise continuera de fondre, ils sont par contre aussi chacun en désaccord avec les autres sur la vitesse de cette fonte.

« Pourquoi y a-t-il tellement des différences entre ces modèles quand il s’agit de prévoir l’évolution de la masse de la banquise dans le futur? Nos travaux se sont intéressés à la variabilité de ces modèles, explique le chercheur. Et nous avons aussi tenté d’identifier les moyens à mettre en œuvre pour tenter de remédier à ce problème ».

Un problème de données

Les résultats de ces recherches pointent vers un problème lié à la qualité des données: celles qui alimentent en partie les modélisations.

« Nous ne disposons de données globales sur la banquise que depuis la mise en service de satellites spécifiquement chargés de surveiller la cryosphère », explique le Dr Massonnet. « Je pense au satellite américain ICEsat ou à l’engin européen CryoSat. Nous ne disposons donc de données sur l’épaisseur de la banquise que depuis 2003. Pour faire tourner efficacement un modèle, c’est un peu court. Il vaudrait mieux disposer de 30 années de données ».

Valider les modèles avec des mesures de terrain

Par ailleurs, la qualité des données satellitaires souffre aussi d’un problème technique. « La masse de glace flottante arctique que nous désirons évaluer avec ces modèles est bien souvent recouverte de neige », reprend le chercheur. « Il faut dès lors pouvoir apprécier la couche de neige qui la recouvre pour obtenir les résultats les plus précis possible. Or, les valeurs de l’épaisseur de couche de neige utilisées sont toujours celles d’il y a plus de 10 ans. Entretemps, l’Arctique a évolué. Et de plus, cette couche de neige est loin d’être uniforme, même sur des distances de l’ordre du kilomètre ».

« Une des solutions que nous préconisons est donc de multiplier les observations in situ. Par exemple en complétant les données satellitaires avec des mesures obtenues sur la glace, dans une quinzaine de stations stratégiquement réparties dans l’océan arctique », explique encore le chercheur.

« Dans ce cadre, nous comptons beaucoup sur « YOPP », l’Année des prédictions polaires actuellement en cours. Elle doit en réalité durer deux années, histoire de récolter des données relatives à deux cycles polaires ».

Cela devrait nous permettre de réduire certaines incertitudes et ainsi améliorer la fiabilité des modèles climatiques.

Mais à propos, pourquoi s’intéresser tellement à ces modélisations mathématiques liées à la banquise arctique?

Écoutez le Dr Massonnet détailler trois aspects concrets liés à ses travaux.

 

En Antarctique, la calotte polaire a perdu  2.700 milliards de tonnes en 25 ans!

En Antarctique aussi, le comportement de la glace passionne les chercheurs belges. Ceux de l’université de Liège, notamment. Ceux-ci viennent de cosigner une publication scientifique sur cette thématique. Ils ont analysé l’évolution de cette gigantesque masse de glace entre 1992 et 2017.

Leurs analyses, qui portent sur des données liées au volume de la calotte, à ses écoulements et aux  modifications de la gravité locale indiquent que l’Antarctique a perdu ces 25 dernières années quelque 2.700 milliards de tonnes de glace (un chiffre frappé d’une marge d’erreur de quasi 50% à la hausse comme à la baisse). Une disparition de glace qui a conduit à une hausse de 7,6 millimètres du niveau moyen des mers et océans de la planète (même type de marge d’erreur).

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