On pensait tout savoir sur la composition et l’organisation des fibres qui composent nos muscles. Une découverte réalisée à l’Université de Liège vient toutefois bousculer cette certitude. Les travaux menés par les Prs Eric Parmentier et Marc Thiry révèlent que certains muscles striés peuvent présenter une organisation inédite des fibres qui les composent. De quoi peut-être changer notre point de vue sur la contraction musculaire.
Une structure musculaire commune
Il existe trois types de muscles: les muscles squelettiques (également appelés muscles striés), les muscles lisses et le muscle cardiaque.
Les muscles lisses entourent certaines artères et permettent d’ajuster le flux sanguin. Ils tapissent aussi l’intestin. En se contractant, ils font progresser la nourriture le long du tube digestif. Quant aux muscles squelettiques, ils nous permettent de nous mouvoir en se contractant et se relaxant à la demande. Ce sont eux qui ont intéressé les chercheurs liégeois.
« On sait, depuis 1840 et les observations de William Bowman, que ces muscles squelettiques présentent « l’existence et l’agencement de lignes alternativement claires et foncées […] qui sont d’une finesse et d’une de délicatesse et de finition exquises », rappellent-ils, en citant un des articles du scientifique du 19e siècle.
« Les études ultérieures ont permis des descriptions de plus en plus nettes incluant l’identification des différentes molécules qui le composent et une explication du mode de fonctionnement avec, notamment, le modèle de contraction musculaire proposé par Andrew Huxley en 1957 », précisent les deux chercheurs liégeois.
« Depuis 300 ans, de nombreux travaux ont étendu la représentation de l’organisation de fibres musculaires à différentes espèces. Il en ressort que l’organisation générale de la fibre musculaire striée est parfaitement conservée dans tous les groupes animaux étudiés jusqu’à ce jour. »
Une autre structure striée
Sauf… en ce qui concerne un poisson étudié au laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive du Pr Eric Parmentier (ULiège) et celui de Biologie Cellulaire et Tissulaire du Pr Marc Thiry (ULiège). Une étude conjointe réalisée par les deux chercheurs a permis de découvrir chez le poisson Parophidion vassali une nouvelle disposition des myofibrilles au sein des fibres de son muscle sonique.
« Plutôt que d’être arrangées parallèlement, les myofibrilles forment un énorme réseau au sein de la fibre musculaire. Chaque myofibrille se subdivise en deux branches, l’une se reliant à la myofibrille du dessus et l’autre se connectant à la myofibrille du dessous », expliquent les chercheurs.
Un chant puissant et long
Ce nouveau type d’organisation des fibres musculaires striées nécessite des études complémentaires pour comprendre le fonctionnement de ces muscles et déterminer s’il existe des adaptations au niveau des différentes molécules impliquées dans celui-ci.
« Ce nouveau design de la fibre musculaire pourrait engendrer un muscle qui se contracte rapidement tout en conservant de la force », estiment les deux scientifiques.
Ce qui est certain, c’est que ce muscle spécifique permet au poisson d’émettre des sons.
Si les muscles des jambes permettent de courir vite en se contractant et en se relaxant rapidement, les muscles soniques des poissons sont, eux, bien plus rapides. « Certaines espèces produisent des sons grâce à des muscles se contractant à une fréquence qui oscille entre 100 et 300 Hz, soit 100 à 300 cycles de contraction/relaxation par seconde », précise encore le Pr Parmentier.
Les deux chercheurs ont aussi observé une plus grande densité de mitochondries dans les stries du Parophidion vassali. Elles semblent fournir l’énergie nécessaire à la production de sons de longue durée. De quoi relancer l’intérêt du Pr Parmentier pour le chant des poissons, une de ses spécialités.