Série (7) Sciences et coopération
En tranches, en rondelles, en carottes, en fines lamelles… Les milliers d’échantillons de bois du xylarium du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (MRAC) prennent des aspects parfois surprenants.
“Normal”, commente l’ingénieur agronome Hans Beeckman, qui gère cette impressionnante collection scientifique. “Nous sommes un centre de recherche. Nos collections vivent, se développent. Elles sont étudiées en permanence et sous toutes leurs formes. Elles servent aussi de références mondiales”.
Un service créé au 19e siècle
Au Service de biologie du bois, qu’il dirige, Hans Beeckman et ses collègues analysent la structure anatomique des “tissus lignifiés”. Ils étudient les processus de croissance des arbres. Cela leur apporte de précieuses informations sur l’écologie forestière.
Les domaines de recherches de ce service créé à la fin du 19e siècle ne s’arrêtent pas là. Les chercheurs et les nombreux doctorants présents à Tervuren s’intéressent aussi à la physiologie des arbres tropicaux ou encore à l’archéobotanique et à l’histoire des forêts anciennes. Comment font-ils?
“En analysant le charbon de bois présent dans le sol“, explique Hans Beeckman, ” ils gardent la mémoire des feux de forêt ou… de l’exploitation de la forêt“.
Le xylarium, une collection scientifique riche de 67.000 échantillons
Les travaux du Service de biologie du bois du MRAC bénéficient à la Science et… aux populations qui vivent de la forêt dans les régions tropicales.
“Notre collection comprend quelque 67.000 échantillons représentant 13.000 espèces différentes de bois, soit 10 à 15 de toutes les plantes ligneuses qui vivent sur notre planète”, chiffre Hans Beeckman. “Les scientifiques n’en connaissent cependant vraiment bien que 2.000 espèces.”
Grâce à leur expérience et à leur impressionnante collection, les chercheurs du Service de biologie du bois de Tervuren réalisent des expertises indépendantes au bénéfice d’exploitants forestiers mais aussi d’autorités publiques ou encore d’organisations internationales.
Ils apportent leur concours dans le cadre de l’identification d’essences de bois dans le cadre du commerce et de l’industrie du bois (CITES), de l’histoire de l’art, de l’archéologie et de la paléontologie.
Ils oeuvrent aussi à une exploitation durable des ressources forestières. Bien entendu, leur collection est historiquement centrée sur l’Afrique centrale.
“Mais nous disposons aussi de pas mal d’échantillons venant d’autres régions tropicales dans le monde, comme l’Asie ou l’Amérique“, précise l’ingénieur. Leur priorité actuelle reste de contribuer au développement durable de l’Afrique centrale.
L’exploitation scientifique des collections se fait suivant plusieurs axes:
- Identification d’échantillons divers, via base de données des caractéristiques anatomiques (pour les bois commerciaux, mais aussi pour des objets en bois de valeur « ethnographiques ».
- Evaluation des stocks de carbone des forêts. Cela dépend et cela varie d’une espèce à l’autre, selon notamment sa densité, son taux de croissance, l’âge des peuplements.
- Estimation ou calcul de l’âge idéal d’exploitation d’un peuplement afin que cela n’ait pas d’impact sur sa survie.
- Etude du caractère fonctionnel, des performances écologiques des diverses essences (consommation d’eau, vitesse de croissance, longueur des fibres, stockage de carbone…)
Apprécier le rôle des forêts sur le climat mondial
Juste avant l’été, le Service de biologie du bois du MRAC mettait aussi en avant l’importance de son travail et de ses collections dans les études sur les changements climatiques.
Le Musée royal de l’Afrique centrale a accueilli à Tervuren une centaine de scientifiques spécialistes du bois pour un colloque axé sur l’appui scientifique qu’ils peuvent apporter aux politiques relatives au climat et aux forêts tropicales humides.
“Les forêts du monde assimilent chaque année 1,3 milliard de tonnes de carbone (bien qu’il existe des incertitudes pour les forêts tropicales). La grande majorité de ce carbone se retrouve dans le bois, composé à 50 % de carbone. De ce fait, plus du bois est produit dans une forêt, moins il y a de gaz à effet de serre dans l’atmosphère”, assurent ces experts.
La recherche sur le bois s’avère également pertinente afin de connaître précisément la quantité de carbone stockée dans les forêts et à quelle vitesse ce stockage intervient.
Bien que les cernes de croissance ne puissent pas toujours être considérés comme annuels sous les tropiques, ou que ces cernes ne soient tout simplement pas toujours présents, il existe des techniques fiables d’analyse du bois permettant de déterminer l’âge des arbres, leur vitesse de croissance et l’allocation du carbone parmi les plus grands d’entre eux.
Ces divers aspects ont été évoqués à la rencontre de Tervuren. Des aspects essentiels, notamment pour le “mécanisme REDD+” des Nations Unies qui visent à éviter la déforestation et la dégradation de la forêt à l’échelle de la planète.