Trônant fièrement dans le salon de nombreux Belges, paré de guirlandes lumineuses et de boules étincelantes, le sapin est incontestablement la star des fêtes de fin d’année. Mais depuis quelques années, certaines familles se tournent vers des alternatives (sapin en carton recyclé, sapin en bois de palette…) à l’arbre naturel, jugé peu écologique. Si ce dernier reste préférable à l’achat d’un sapin synthétique – étant recyclable et local, à l’inverse de celui en plastique –, il est vrai que la production de sapins de Noël en Belgique n’est pas sans travers. Des solutions sont néanmoins à l’essai, en vue de réduire l’impact de cette culture sur notre environnement.
Des sapins pas si naturels
Avec plus de 5 millions d’arbres produits chaque année, selon l’Union Ardennaise des Pépiniéristes (UAP), le marché du sapin de Noël est loin d’être anecdotique. La Belgique figure d’ailleurs dans le top 3 des pays exportateurs en Europe. Si l’intérêt économique est évident, les effets négatifs de cette activité horticole sur la nature sont aussi bien réels.
« Puisqu’elle vise à proposer des résineux esthétiquement parfaits (en pyramide, sans bourgeons ou fourches sur les branches), la plupart des sylviculteurs vont, dès le départ, utiliser des produits phytosanitaires pour éviter le développement de champignons ou de ravageurs », explique le Pr Marc Dufrêne, chercheur au laboratoire « Biodiversité et Paysage » à Gembloux Agro Bio Tech (ULiège). « En outre, c’est une culture qui prend du temps, les arbres étant abattus au bout de 7 à 10 ans. L’idée n’est donc pas de perdre l’investissement. »
La plantation de sapins implique dès lors un labour des sols, lesquels seront, par la suite, traités avec des pesticides (herbicides, fongicides, insecticides) et des engrais chimiques. « Il y a aussi l’utilisation de réducteurs de croissance, destinés à freiner le développement de l’arbre afin qu’il reste bien compact.»
Une production nuisible au vivant
Même si, comparée à la culture de pommes de terre ou de betteraves sucrières, l’utilisation de produits chimiques est moindre dans ce secteur, les conséquences de ces différents traitements sont multiples. D’autant que cette culture se réalise parfois dans des prairies naturelles ou abandonnées, qui n’ont jamais subi de traitements.
« Beaucoup d’animaux fuient. Ce qui peut d’ailleurs favoriser l’installation d’espèces invasives, puisqu’il n’y a plus de concurrence » précise le spécialiste. Les sols et les sous-sols sont aussi directement impactés : « On peut constater une perte de carbone dans les sols, une augmentation de l’érosion, une dégradation de la qualité de l’eau stockée en sous-sols. Sans parler de la pollution plastique, les sapins étant parfois plantés avec des pots, qui y resteront après l’abattage. »
Pour le chercheur, la manière dont sont agencées les parcelles peut également être problématique pour la biodiversité. « Cultiver des parcelles homogènes de plusieurs hectares, c’est-à-dire composées des mêmes résineux du même âge, fait que peu d’espèces iront coloniser ces espaces. »
Une gestion plus raisonnée à l’avenir ?
Une production de sapins de Noël plus respectueuse de la nature est cependant possible. « Une solution serait, notamment, de diminuer la taille des parcelles, et de faire en sorte qu’elles soient plus hétérogènes, avec des sapins d’âges différents. On obtiendrait alors des milieux d’accueil assez intéressants pour les oiseaux », note le Pr Dufrêne.
Concernant la problématique des pesticides, l’UAP a créé en 2018 le label « Véritable et Ecoresponsable ». Avec lui, les producteurs wallons s’engagent, entre autres, à diminuer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Un projet pilote, mené depuis 2019 par les Groupes d’Action Locale Ardenne Méridionale, Haute-Sûre Forêt d’Anlier et Nov’Ardenn, vise le même objectif. Soutenu par le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural et la Wallonie, ce projet expérimente avec des producteurs de l’UAP des méthodes de gestions alternatives.
Citons, par exemple, la mise en place de couverts végétaux au pied des sapins (entretenus par fauche ou par pâturage de moutons), qui offrent aux arbres une barrière naturelle contre les mauvaises herbes, tout en évitant l’érosion des sols. Une autre technique testée consiste à installer dans les parcelles des haies, des bandes fleuries, ou des nichoirs, afin de favoriser la présence de prédateurs des ravageurs de cette culture (pucerons, rongeurs…), et ainsi se dispenser d’insecticides.
Les résultats de ces expériences permettront de déterminer les mesures les plus intéressantes et de rendre, à terme, l’exploitation du sapin de Noël plus durable.