Représentation artistique d'un astronaute travaillant sur la surface de la Lune © NASA

La Lune, un terrain de poussières à maîtriser

19 décembre 2025
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

La conquête de la Lune entre dans une nouvelle ère. Aux quatre coins du globe, différents programmes spatiaux se préparent à y envoyer, dans les prochaines années, de nouveaux rovers, et même des humains. Mais avant d’y parvenir, plusieurs obstacles doivent être surmontés. Parmi eux, figure en bonne place la poussière lunaire. Coupante, collante, toxique et capable de flotter dans le vide, elle menace autant le fonctionnement des machines que la santé des astronautes.

C’est à cette problématique encore peu étudiée que s’est attaquée le projet DUSTER (2023-2025), soutenu par le programme européen HORIZON. Une étude coordonnée par l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique (IASB) et menée en collaboration avec le centre de recherche aérospatiale ONERA (France), l’Instituto de Astrofísica de Andalucía (Espagne), et la filiale espagnole de Thales Alenia Space.

L’astronaute David R. Scott, commandant de bord lors de la mission Apollo 15, recouvert de poussières © NASA

Un hostile manteau de poussières

« Sur Terre, l’atmosphère nous protège : météorites et micrométéorites se consument avant d’atteindre le sol. Sur la Lune, en revanche, elles s’écrasent directement à la surface, formant une couche de plusieurs mètres de poussières de roches », rappelle Sylvain Ranvier, chercheur à l’IASB et coordinateur du projet DUSTER (Dust Study, Transport, and Electrostatic Removal for Exploration Missions). L’absence d’atmosphère (et donc de vent) a aussi pour conséquence que cette poussière ne s’érode pas et reste extrêmement coupante et abrasive, « comme des petits morceaux de glace.»

À cela, s’ajoute l’effet du Soleil : « Les rayons UV et les particules énergétiques qu’il émet vont charger électriquement ces poussières, ce qui a pour effet qu’elles adhèrent à la plupart des surfaces. » Impossibles à brosser ou à aspirer, « elles se collent aux panneaux solaires, aux instruments et aux mécanismes de rovers, attaquent les combinaisons spatiales, et peuvent même se retrouver dans les yeux ou les poumons des astronautes. »

Par ailleurs, ces particules chargées sont capables de léviter temporairement et d’être transportées sur de longues distances. Un phénomène observé lors des missions Apollo de la NASA (1969-1972), et confirmé par des observations d’orbiteurs.

L’astronaute Charles M. Duke Jr., pilote du module lunaire lors de la mission Apollo 16, recouvert de poussières © NASA

Comprendre la poussière pour mieux l’éliminer

Concevoir des systèmes capables d’éliminer cette poussière sera donc bientôt crucial pour éviter les dysfonctionnements techniques et les risques sanitaires des futures missions lunaires. Et cela commence par une meilleure compréhension de ses propriétés et mécanismes de transport.

Dans ce cadre, les partenaires du projet DUSTER ont développé un prototype qui permet d’analyser la charge électrique de ces particules, leur cohésion entre elles, et leur transport à la surface lunaire. Ce dispositif combine trois instruments complémentaires : une sonde de collecte de poussières, une sonde de Langmuir et une sonde de champ électrique.

Concrètement, la sonde de collecte permet d’attirer les poussières chargées en appliquant une haute tension, et de mesurer le courant généré par leur mouvement. La sonde Langmuir, de son côté, vise à mesurer plusieurs caractéristiques du plasma, c’est-à-dire le mélange d’électrons et d’ions qui baigne la surface lunaire, « car la charge des particules dépend de l’environnement de plasma autour de la Lune », précise Sylvain Ranvier. La sonde de champ électrique, quant à elle, permet de mesurer le champ électrique juste au-dessus de la surface lunaire, un paramètre important pour comprendre la mobilité des poussières.

Particule de poussière lunaire © JSC / NASA

Prochaine étape : étudier la poussière in situ

« Une fois les instruments développés, nous les avons testés et validés dans les laboratoires de l’ONERA, entre mai et juin 2025, à l’aide de poussières artificielles imitant les particules lunaires », poursuit Sylvain Ranvier.

En combinant les données des trois sondes, les scientifiques ont pu déterminer le champ électrique nécessaire pour attirer et collecter la poussière dans différentes conditions environnementales.

L’équipe est désormais impliquée dans le projet AstroLEAP piloté par l’Agence spatiale européenne (ESA). « Dans le cadre de ce nouveau projet, on perfectionne les instruments conçus pour DUSTER. L’idée étant de développer et d’envoyer sur la Lune une technologie capable d’étudier ces poussières in situ », conclut Sylvain Ranvier.

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