© Geslin Laurent
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Les espèces envahissantes ne sont pas qu’exotiques

20 janvier 2016
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Étienne Branquart et Guillaume Fried sont ingénieurs agronomes et docteurs en sciences. Ils font partie du groupe d’experts sur les plantes invasives de l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes (OEPP) ainsi que du forum chargé de fournir à la Commission européenne le support scientifique nécessaire à la mise en œuvre du nouveau règlement sur les espèces exotiques envahissantes. À cette occasion les deux scientifiques cosignent un ouvrage, tout juste publié aux Éditions du Gerfaut : « Les espèces envahissantes d’ici et d’ailleurs ».

 

CARTE BLANCHE

 

Un nouveau défi pour l’Europe

 

La première liste d’espèces exotiques envahissantes règlementées par l’Union européenne sera publiée au Journal officiel dans quelques jours. Berces géantes, jussie à grandes fleurs, écrevisse de Louisiane, frelon asiatique, goujon asiatique, grenouille taureau et autre écureuil gris feront très vraisemblablement partie de cette première liste de 37 espèces.

 

Dès sa publication, une série de nouvelles obligations détaillées dans le Règlement (UE) n°1143/2014 devront être prises en compte par les états européens. Toutes les espèces listées seront frappées d’une interdiction d’importation et de commercialisation. Sauf exception, elles ne pourront plus être ni élevées, ni détenues, ni introduites dans la nature. Une lutte active devra en outre être menée sur le terrain,  là où c’est encore possible pour les éliminer complètement et, ailleurs, pour limiter leur expansion et les nuisances qui en découlent.

 

La lutte contre les espèces exotiques envahissantes est une tâche difficile. Combien de gestionnaires sont aujourd’hui découragés avec le sentiment que rien n’a vraiment changé ou si peu après des années de lutte et des milliers d’euros engloutis ? Grâce à leur prolificité et à leur capacité d’adaptation hors norme, elles sont capables de compenser rapidement les pertes encourues et tiennent ainsi en respect les gestionnaires les plus acharnés. Comble de malchance, les sites dans lesquels elles finissent par être éliminées sont souvent vite recolonisés par d’autres espèces « proliférantes » !

 

Impossible donc de maîtriser un tant soit peu la nature exubérante de toutes ces espèces ? Pas si sûr ! D’abord, parce que l’arrivée du Règlement européen devrait enfin permettre d’agir de manière préventive et efficace en fermant le robinet des nouvelles introductions. Ensuite, parce que l’expérience montre qu’on peut effectivement freiner la prolifération des espèces envahissantes en limitant leurs ressources alimentaires et en favorisant leurs prédateurs naturels.

 

La gestion différenciée des espaces verts, des milieux agricoles et des habitats forestiers, directement inspirée du fonctionnement des écosystèmes naturels, permet d’atteindre ce double objectif. Elle constitue la meilleure piste pour apporter une solution durable à cette problématique mondiale. Mais cette approche nécessite aussi une profonde remise en cause de la manière avec laquelle nous gérons aujourd’hui tous ces milieux ! L’Europe est-elle vraiment prête à relever ce défi ?

(Etienne Branquart et Guillaume Fried)

 

 

Le sanglier en ligne de mire

 

Dans leur livre, les deux scientifiques analysent notamment le cas de 16 espèces envahissantes dans leur aire d’introduction et dans leur aire d’origine.

 

Les espèces envahissantes d'ici et d’ailleurs, par Etienne Branquart et Fried Guillaume, Editions du Gerfaut, 28 euros.
Les espèces envahissantes d’ici et d’ailleurs, par Etienne Branquart et Fried Guillaume, Editions du Gerfaut, 28 euros.

Parmi elles, le sanglier, qui prolifère dans nos forêts. Originaire d’Europe, d’Asie et d’Afrique du Nord, le sanglier a été introduit en Amérique du Nord et du Sud, en Australie, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande.

 

« Sangliers et porcs ont été introduits dans toutes les régions du monde pour la chasse et la production de viande », rappellent les auteurs. « En Europe, où il est présent de puis l’Holocène, ses populations sauvages sont en forte augmentation et atteignent aujourd’hui des densités jamais égalées au cours de l’histoire !»

 

Comme dans chaque analyse de cas, les deux hommes détaillent les facteurs de prolifération de l’espèce, les nuisances qu’elle génère et préconisent des pistes pour rétablir un équilibre des populations.

 

Dans le cas du sanglier, ces solutions tiennent en quatre points:

     

  • • Arrêter toute forme de nourrissage
    • Intensifier les prélèvements par la chasse (tir des laies)
    • Renforcer les populations de grands prédateurs
    • Poser de clôtures pour protéger les zones sensibles

 

La photo en tête d’article, tirée du livre, illustre un autre volet de cette analyse de cas. À Liège, Barcelone ou encore Nancy, les sangliers en surnombre n’hésitent pas à fréquenter les espaces verts urbains et leurs abords pour trouver leur nourriture.

 

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