Cabane Capanna Margherita - 4554 m, Mont Rose

Prendre de la hauteur pour mieux comprendre la circulation pulmonaire

20 février 2015
par Jules Englebert
Temps de lecture : 5 minutes

Série (5) Sport et Recherche

 

L’altitude et ses effets physiologiques ont toujours gêné les alpinistes et intrigué les scientifiques. Horace-Benedict de Saussure (1740-1799) et Paul Bert (1833-1886), deux pionniers de l’alpinisme, furent les premiers à décrire et étudier les symptômes de cet étrange mal qui frappait leurs compagnons de cordée et que l’on appelle aujourd’hui “le mal aigu des montagnes”. Depuis, de nombreux scientifiques se sont penchés sur le problème, faisant considérablement progresser l’état des connaissances dans ce domaine.

 

L’ULB au sommet

 

Parmi ces héritiers, une équipe, dirigée par le Prof. Naeije, de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), reprend le flambeau en organisant des expéditions aux quatre coins du monde. En effet, la haute altitude constitue un environnement idéal pour l’étude de mécanismes physiologiques fondamentaux impliqués dans une multitude de pathologies. Comprendre les modifications physiologiques survenant en altitude  dépasse donc largement le cadre d’une pratique sportive réservée à une poignée d’aventuriers.

 

Des pentes du volcan Chimborazo (Equateur) à celles de l’Everest (Népal) en passant par le Huayna Potosi (Bolivie), ce groupe de jeunes chercheurs investit des lieux parfois improbables pour y mener ses recherches .
 
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Les défis du laboratoire d’altitude

 

Acheminement  du matériel, Népal
Acheminement du matériel, Népal

A chaque expédition, l’équipe doit mettre en place une logistique impressionnante tout en s’adaptant au contexte local.
 

Acheminement du matériel par Yack, Népal
Acheminement du matériel par Yack, Népal

Que se soit à dos d’homme sur l’altiplano sud américain, à dos de yacks dans la vallée du Khumbu (Népal) ou en hélicoptère au sommet du Mont Rose (Alpes franco-italiennes), l’acheminement du matériel à bon port est l’étape cruciale de chaque mission.

 

Acheminement du matériel par hélicoptère, Cabane Capanna Margherita - 4554 m, Mont Rose, Suisse
Acheminement du matériel par hélicoptère, Cabanne Capanna Margherita – 4554 m, Mont Rose 

“L’installation d’un laboratoire complet à ces altitudes représente à lui seul un défi. Le matériel souffre et les infrastructures sont pour le moins inadaptées. Il nous faut donc souvent une bonne dose d’imagination et d’organisation pour reconstituer un cadre propice à des expériences rigoureuses» explique le Dr Vitalie Faoro.
 

Acheminement du matériel par hélicoptère, Cabane Capanna Margherita - 4554 m, Mont Rose, Suisse
Acheminement du matériel par hélicoptère, Cabane Capanna Margherita – 4554 m, Mont Rose

Il ne s’agit pourtant que de la première étape. « Les nuits sont courtes et le mal des montagnes touche parfois sévèrement l’ensemble du groupe. Dans ces conditions, il faut une détermination à toute épreuve afin de ne pas perdre de vue les objectifs scientifiques de la mission ».
 
Le mal des montagnes et l’hypertension pulmonaire des “plaines”

 

Parmi les réactions physiologiques bien décrites en haute altitude, il y a la contraction de l’artère pulmonaire ainsi que des petits vaisseaux qui irriguent les poumons. Ce phénomène, qui participe à la limitation de la capacité à l’effort, présente de grandes similitudes avec une maladie rare, grave et handicapante connue sous le nom d’hypertension pulmonaire.

 

Cette maladie proprement dite est associée à un pronostic effrayant ainsi qu’à une diminution rapide de la qualité de vie.
 
« A ce stade, il n’existe pas de traitement miracle et les patients les plus sévèrement atteints n’ont que la greffe pulmonaire comme dernière option. En revanche, nos recherches montrent que certains médicaments permettent d’améliorer la capacité à l’effort, et donc la qualité de vie des patients en agissant sur la circulation pulmonaire. D’autres catégories de patients tels que les obèses pourraient eux aussi présenter une forme d’hypertension pulmonaire et seraient donc susceptibles de bénéficier de ces avancées».

 

Le mécanisme naturel d’adaptation en altitude a donc été exploité par  l’équipe du Prof. Naeije et du Dr Vitalie Faoro spécialisée dans l’étude de la circulation pulmonaire, afin d’en comprendre les mécanismes d’action  et de tester d’éventuels traitements.
 

Test de diffusion gazeuse au pyramid laboratory, Népal
Test de diffusion gazeuse au pyramid laboratory, Népal

Différentes techniques de monitoring sont utilisées telles que l’ergospirométrie (test d’effort sur vélo statique combiné à une mesure de la consommation d’oxygène) et l’échocardiographie durant l’effort.

 

Dix ans de recherche de “haut niveau”

 

Dix ans après la première mission en Equateur, l’équipe de l’ULB a déjà acquis une solide réputation internationale. Parmi les principaux succès du groupe, on compte une étude sur les effets cardiovasculaires du Viagra en haute altitude, la mise en évidence de différences physiologiques fondamentales entre ethnies ainsi que la mise au point de nouvelles mesures échographiques.

 

Pour Vitalie Faoro, l’avenir de ces recherches passera par de nouvelles campagnes au Kyrgyzstan et en Ethiopie. Le groupe voudrait comparer l’adaptation de différentes ethnies à la vie en altitude. «Outre les questions passionnantes sur lesquelles nous travaillons, ce qui rend cette recherche unique, c’est l’aventure humaine qui l’accompagne» conclut le médecin.

 

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